DE LA CONCEPTION À LA RÉCEPTION : LE GUIDE COMPLET DES VOILES PAR PASSES (VPP) - <p>© Sélim Ragala (Geotec)</p>
18/04/2024

DE LA CONCEPTION À LA RÉCEPTION : LE GUIDE COMPLET DES VOILES PAR PASSES (VPP)


Les recommandations voiles par passes (VPP) parues en septembre 2023 sont le fruit d’un travail commun, initié à l’été 2019 par la commission scientifique et technique du CFMS qui a regroupé près de 60 professionnels de tous horizons durant 4 ans. L’occasion d’un petit retour en arrière.

En 2019, nous établissons le constat qu’il s’agit d’une technique :

  • fortement développée en région parisienne et de plus en plus en régions métropolitaines ;
  • qui ne dispose pas de référentiel tant du point de vue de la conception, du dimensionnement (simplement évoquée dans la norme NF P94-282) que de la mise en oeuvre et des contrôles ;
  • potentiellement à risques en cours de chantier (déplacements excessifs, effondrements) et lors de l’exploitation de l’ouvrage géotechnique (infiltrations).

À l’été 2019, le conseil du CFMS autorise la formation d’un groupe de travail afin d’engager la rédaction de recommandations pour la conception, le dimensionnement, l’exécution et le contrôle de la technique des voiles par passes.
Présidé par Pascal Aguado (Géotec) et animé par Nicolas Nayrand (Bureau Veritas Construction), le groupe de travail a fonctionné durant 4 ans en sous groupes puis lors de réunions plénières afin d’établir un texte consensuel.
Au total, ce sont près de 60 professionnels qui ont participé aux échanges et assuré une très forte représentativité (entreprises de VPP et de terrassement, entreprises générales, entreprises de fondations spéciales, maîtrise d’oeuvre géotechnique, contrôle technique construction, assurance, expertise, santé au travail/prévention des risques).
L’architecture des recommandations s’articule autour du déroulement d’un projet de construction et couvre les domaines d’utilisation, la démarche de conception, les études d’exécution, les modes opératoires et les dispositions constructives, ainsi que le suivi, le contrôle et la réception des voiles par passes dans un document d’une cinquantaine de pages hors annexes.

 

ÉTAT DES LIEUX DE LA TECHNIQUE DES VPP : PRÈS DE 50 ANS DE PRATIQUE SANS
RÉFÉRENTIEL


Initiée dans le milieu des années 1970 par les entreprises de gros oeuvre, la technique a évolué sur près de 50 ans, passant du béton banché au béton projeté.
Initialement employée en Île-de-France sur un niveau de sous-sol, elle s’est répandue dans différentes régions, sur un large éventail de terrains et dans des profondeurs plus importantes.
Cependant, malgré son expansion, cette technique n’est pas sans défauts. Les sinistres, coûteux, interviennent à différentes phases, souvent dus à des erreurs de conception ou d’exécution (ouvertures de passes trop importantes, butonnage insuffisant, poussée hydrostatique excessive…). La présence d’avoisinants est une constante, nécessitant une adaptation des méthodologies dans des environnements urbains denses.

 

LA NÉCESSITÉ D’INVESTIGATIONS SPÉCIFIQUES : CARACTÉRISATION DES SOLS ET DES AVOISINANTS


La mise en oeuvre de la technique des VPP nécessite :

  • des terrains ayant une cohésion apparente suffisante ;
  • des terrains ayant un angle de frottement et une cohésion travaux permettant de justifier l’ouvrage en phases provisoires ;
  • la possibilité de gérer l’eau pendant les travaux ;
  • une absence d’avoisinants sensibles aux déplacements.

La détermination du domaine et de la limite d’utilisation de la technique implique une démarche conceptuelle, intégrant des investigations spécifiques, une analyse des risques, la définition d’hypothèses géotechniques appropriées, un dimensionnement de projet et la définition de l’instrumentation nécessaire au suivi du comportement de l’ouvrage et des avoisinants.
Les recommandations mettent l’accent sur la caractérisation nécessaire des sols pour justifier, en l’absence de blindage, la stabilité du front de taille et le développement d’un « effet de voûte ». La
réalisation d’essais de tenue des terrains est privilégiée dès la phase conception pour apprécier la tenue à court terme d’un front de taille, définir les dimensions
des passes de largeur B et de hauteur H pour l’ensemble des ceintures et déduire les paramètres de cisaillement travaux.
La réalisation par le maître d’ouvrage ou son mandataire d’une étude de sensibilité des avoisinants est également fondamentale pour caractériser les ouvrages de la zone d’influence géotechnique (ZIG) et définir les seuils admissibles de déformation (absolus et différentiels) préservant des désordres structuraux ou fonctionnels.

 

UNE ANALYSE DES RISQUES SPÉCIFIQUES INDISPENSABLE POUR VÉRIFIER LA FAISABILITÉ

 

Dès la phase conception, une analyse des risques spécifiques est à mener par le géotechnicien pour conclure sur la faisabilité ou non, par tronçon, d’un VPP. Cette analyse doit prendre en compte les éléments suivants : présence d’eau impactant le soutènement ou ses appuis, présence de sables, présence d’argiles avec un IP élevé (> 20) sous le fond de fouille, ouvrages avoisinants, charges liées aux travaux, faisabilité du butonnage provisoire et faisabilité des semelles de butons.

 

LE DIMENSIONNEMENT EN PHASE PROJET : UNE STABILITÉ GÉNÉRALE À VÉRIFIER

 

Le dimensionnement en phase projet doit permettre l’évaluation des sollicitations en phase transitoire et définitive (diagramme de poussée, nombre de lits de butons « définitifs », efforts dans les butons) ainsi que le dimensionnement des semelles de butons installées sous le fond de fouille.
La vérification de la stabilité générale, menée en considérant les paramètres drainés (c’, φ’), est essentielle et peut remettre en cause la solution.
Les dimensions limites des passes sont à définir par le géotechnicien mais des valeurs maximales de hauteur (Hmax=1,5 m) et de largeur (Bmax=4 m) ont été précisées.
Les déplacements sont difficiles à évaluer par le calcul, mais des déplacements horizontaux de l’ordre de 2 à 4 cm sont régulièrement observés au niveau des VPP. Les déplacements admissibles, définis par l’étude de sensibilité des avoisinants, sont à contractualiser. Des seuils d’alerte et d’arrêt des travaux de VPP et de mise en sécurité sont à définir au niveau des voiles et des avoisinants.


LES ÉTUDES D’EXÉCUTION : DES MÉTHODES DE DIMENSIONNEMENT SIMPLES PRIVILÉGIÉES

 

Les études d’exécution doivent définir la méthodologie de suivi des déplacements, vérifier la stabilité générale, l’équilibre horizontal et vertical des voiles dimensionner les éléments structuraux et établir les plans d’exécution. Le dimensionnement des VPP est à réaliser pour chaque ceinture horizontale
en prenant en compte une poussée active des sols avec une obliquité nulle.
Plusieurs méthodes sont utilisables :

 

  • des méthodes simples d’équilibre statique et de résistance des matériaux pour lesquels les recommandations proposent un diagramme de poussée spécifique pour le calcul des butons et semelles afin de ne pas sous évaluer les efforts dans le buton supérieur ;
  • des modèles géotechniques plus complexes tenant compte du phasage et de ses effets (MISS ou MEF).

Le calcul des semelles de buton est à mener à l’ELU fondamental : la maîtrise des déformations est assurée par un suivi des déplacements et la recharge des butons au niveau des corbeaux. Le document se prononce sur le coefficient réducteur iβ à considérer pour tenir compte de l’inclinaison des semelles et de la résultante des efforts.
Des recommandations sur les types de bèches (avec ou sans butée) sont présentées, accompagnées d’un tableau comparatif des avantages et des inconvénients.
Des dispositions concernant les corbeaux sont indiquées, recommandant les corbeaux métalliques ou béton armé et excluant le système des « cigares ».

 

LA RÉUNION DE COORDINATION : ÉTAPE CRUCIALE POUR LA GESTION DES PROBLÈMES DE PHASAGE ET DE SUPERPOSITION DE PLANS


La tenue d’une réunion de coordination avant le démarrage des travaux est essentielle pour gérer les problèmes de phasage et de superposition de plans (fondations, voiles, planchers, poutres).
Cette réunion doit permettre à l’entreprise de VPP de présenter son mode opératoire, en fournissant un ensemble de coupes repérées sur une vue en plan ou une élévation développée, ainsi qu’une vue en plan de synthèse.
Afin d’expliciter le séquençage des travaux, les recommandations décrivent :

 

  • le mode opératoire au niveau d’une passe avec l’enchaînement à réaliser impérativement dans la journée : ouverture de passe, piochage du béton en limite de passes, dégagement des armatures de recouvrement, mise en place du drainage, mise en place des armatures, projection du béton, mise en place du butonnage dit « provisoire » ;
  • le mode opératoire au niveau d’une ceinture avec plusieurs passes réalisées en alternance ;
  • le mode opératoire du terrassement associé aux voiles par passes (banquette normale ou inversée, pré-terrassement, phasage des terrassements). Deux exemples de phasage (avec 2 et 4 ceintures) sont exposés.

Des dispositions constructives sont présentées sur :

  • Le système de butonnage (buton + semelles) : le serrage du buton est fait par coins au niveau du corbeau ou mise en pression au niveau de la semelle via une pelle hydraulique,
  • Le système de drainage : toujours nécessaire en phase provisoire via des barbacanes, il peut être complété selon le type de sols par des bandes de géosynthétique drainant qui ne devront
    pas dépasser un taux de couverture de 50 %.

La formulation du béton projeté est aussi abordée avec des renvois vers le fascicule 4 du comité technique Asquapro.

 

LA NÉCESSITÉ D’UN PLAN DE CONTRÔLE DÉTAILLÉ


L’accent est mis sur la nécessité :

 

  • d’évaluer le comportement des ouvrages en phase construction, du début des premiers terrassements jusqu’à ce que la structure assure le butonnage définitif de la paroi ;
  • de vérifier l’impact sur les avoisinants situés dans le périmètre de surveillance des VPP et de leur environnement (ZIG).

La liste des points à contrôler est détaillée en précisant les tolérances, la fréquence et les moyens de contrôle durant les différentes phases (préparation, ferraillage, projection, butonnage).
Des exemples de plan de contrôle et de fiche d’autocontrôle de l’entreprise de VPP sont présentés.
Les recommandations VPP ont fait l’objet d’une demi-journée scientifique et technique du CFMS le 8 février 2024.
À terme, il est envisagé un passage devant la C2P de l’AQC pour leur donner le statut de Recommandations Professionnelles.


Pascal Aguado
Directeur technique Nord-Ouest Géotec