La digue des communes d’Yves et de Châtelaillon-Plage en Charente-Maritime est un chantier exemplaire de protection
du littoral dans une zone écologique riche et protégée, où les techniques les moins impactantes pour le milieu ont été
privilégiées. Plusieurs techniques de protection anti-érosion ont été mises en place, pour protéger d’un évènement de
période de retour équivalente à celle de la tempête Xynthia.
La tempête Xynthia du 28 février 2010 alourdement touché la côte atlantique générant une submersion marine des terrains urbanisés et le décès de plusieurs personnes. Le village des Boucholeurs à Châtelaillon-Plage (Charente-Maritime) fait partie des communes sinistrées et sa digue de protection a rompu durant l’évènement.
En décembre 2011, dans le cadre du Programme d’actions et de prévention des inondations (PAPI) de la baie d’Yves, un projet de défense de la côte a été établi. Il consiste en la remise en état et le renforcement de la digue existante et en la création d’une digue de retrait dans la réserve naturelle nationale du marais d’Yves. Les objectifs de cette opération d’édification de digue sont de protéger les populations des communes d’Yves et de Châtelaillon-Plage, mais également les infrastructures de
transport que sont la RD137 et la voie ferrée d’un événement exceptionnel de type Xynthia. Devant la grande sensibilité écologique de la zone de travaux, plusieurs scénarios sont étudiés pour limiter au maximum l’impact environnemental tout en assurant une protection efficace.
DES COMPÉTENCES MULTIPLES
De nombreux acteurs locaux disposant de compétence d’évaluation de l’impact des travaux sur ces milieux sont concertés avant d’aboutir au tracé final.
Après une dizaine d’années d’études, d’enquêtes publiques et de démarches administratives, et à l’issue d’un marché de travaux attribué après un dialogue compétitif, le groupement d’entreprises
Vinci Terrassement Construction, Equo Vivo, Suez Consulting, Biotec, WSP et Trézence TP se voit confier les travaux de réalisation de la digue de retrait.
Au préalable, dans un autre marché de travaux, la digue existante a été reconstruite et associée à 2 brise-lames.
CONCEPTION DE LA DIGUE
La digue de retrait s’étend sur un linéaire de 3 200 m entre l’anse des Boucholeurs (commune de Châtelaillon-Plage) et la pointe du Rocher (commune d’Yves). L’étude a permis de découper l’ouvrage
en 11 tronçons présentant 9 profils de conceptions différentes permettant de prévenir contre des événements climatiques de période de retour de type Xynthia.
Les modèles hydrauliques ont mis en évidence des hauteurs d’agitation (houle) variant entre 30 cm et 1,25 m. Sur un plan géométrique, la digue présente une pente de talus de 2 H : 1V ou 3 H : 2V que ce soit à l’amont ou à l’aval pour une largeur en crête de 4 m ou 7 m. Son niveau fini tient compte d’une
revanche variant entre 1,20 m et 1,70 m au-dessus du niveau d’eau maximum.
7 dalots régulièrement répartis le long de la digue sont installés pour assurer une transparence hydraulique de l’ouvrage.
Sur la base des hauteurs d’agitation déterminées, les principes de protection retenus côté océan ont été définis comme suit :
Le franchissement en crête de digue étant très faible, les talus de la digue côté terre ont été prescrits avec un recouvrement de terre végétale engazonnée, à l’exception des tronçons 5 à 8 pour lesquels
un géosynthétique accroche-terre était prévu à l’interface entre le corps de digue et la terre végétale.
L’ensemble des talus et la crête de la digue ont été conçus pour être végétalisés afin de favoriser le passage de la faune locale sur la digue.
CARAPACE EN MATELAS RENO PLUS
Lors de la phase de dialogue compétitif, le groupement titulaire du marché a recherché à optimiser son offre technique et financière en s’appuyant notamment sur la compétence technique de Maccaferri dans les techniques de protection anti-érosion. C’est ainsi que pour les tronçons 6 et 7 d’une longueur de 1 225 m, où la hauteur d’agitation est de 70 cm, une solution en matelas Reno Plus de 30 cm
d’épaisseur a été proposée en variante à la protection en enrochements 300-1 000 kg de 1,20 m d’épaisseur. Le matelas Reno Plus est un matelas gabion constitué de doubles diaphragmes
obtenus par pliage de la nappe de fond associés à la disposition de tirants X-Ties reliant la base au couvercle à raison de 1 u/m². Cette nouvelle génération de matelas a été développée
par l’industriel à l’issue d’une campagne d’essais hydrauliques à l’université de l’État du Colorado (USA) en 2019-2020. Les résultats ont mis en évidence de très bonnes performances hydrauliques
de ces structures par rapport aux « modèles » précédents. Le confinement des pierres étant meilleur, l’intégrité des cages est assurée pour des sollicitations plus importantes tout en protégeant le sol sous-jacent de l’érosion. En outre, cette technique est plus facilement végétalisable, notamment en refermant la cage à l’aide d’un couvercle spécial alliant un grillage double torsion et un géomatelas en polypropylène, le Macmat R168G0. La structure tridimensionnelle du géomatelas permet d’assurer un « grip » à la terre végétale recouvrant la carapace de matelas Reno Plus et favorisant le développement racinaire de la végétation par sa structure poreuse.
Les matelas Reno Plus ont été dimensionnés à la houle sur la base des travaux de Pilarczyk de 1998, repris dans le Rock Manual édité par le CIRIA. L’épaisseur de la structure et des matériaux
de remplissage sont déterminés en fonction de la hauteur de houle, de la pente de la digue exposée à la houle, de la densité des enrochements et du paramètre de déferlement des vagues.
Les matelas Reno sont fréquemment utilisés dans la protection à la surverse des digues fluviales, mais on les retrouve moins fréquemment dans des digues maritimes en raison des hauteurs
de houle importante, mais également par la crainte de voir leur revêtement se dégrader dans le temps sous l’effet de la corrosion et/ou de l’abrasion.
Cependant, outre ses performances hydrauliques améliorées, le matelas Reno Plus bénéficie du revêtement sur fil d’acier le plus efficace du marché en termes de performances à la corrosion et à l’abrasion. Le fil est d’abord trempé dans un bain d’alliage de zinc et d’aluminium, puis une gaine protectrice en PoliMac de 0,5 mm d’épaisseur est extrudée autour du fil. Cette gaine est très résistante aux effets climatiques, résistants aux sels, à l’action des UV ainsi qu’aux hautes et basses températures.
La digue est construite en matériaux argileux de type A3, caractérisés par une très faible perméabilité (k la couche de forme en tête de digue.Par frottement avec les matériaux de la couche de forme, un effort résistant est généré s’opposant à l’effort moteur de glissement des matelas sur le talus.
GÉOMATELAS ANTI-ÉROSIF ET ACCROCHE-TERRE
Pour les talus côté océan soumis à une houle faible où un géosynthétique anti-érosif était prévu par la conception, Maccaferri a proposé la mise en place d’un Macmat R1035 : il s’agit de l’association d’un géomatelas en polypropylène et d’une géogrille de renfort en polyester ayant une résistance à
la traction de 35 kN/m, permettant de retenir de façon pérenne la terre végétale sur les talus de la digue et offrant une protection du talus face aux sollicitations hydrauliques.
Ce même produit a été utilisé pour les parements côté terre pour lesquels un dispositif accroche-terre était prévu.
PHASE TRAVAUX
Les travaux ont été réalisés de façon à impacter le moins possible l’environnement.
La première phase des travaux est consacrée aux travaux préparatoires au sein de la réserve naturelle comprenant des mesures de déplacement d’espèces protégées et de renaturation
écologique, ainsi que l’exploitation de la zone d’emprunt de l’argile constituant le corps de digue. Ensuite vient la réalisation des digues nécessitant la mise en place de 130 000 m3 de matériaux,
puis la mise en place des protections sur les talus des digues. Pour les matelas Reno Plus, le groupement d’entreprises a également fait confiance à Maccaferri pour la mise en place des 12 500 m²
de protection, selon la certification Asqual ROG (réalisation des ouvrages
en gabions). Ces travaux ont débuté fin juillet pour se terminer mi-octobre 2022.
Alexandre Plastre
Responsable technique