En 1972, après 50 ans de bons et loyaux services, la Sute, usine de stockage et de production de peinture, fermait ses portes. Ce site, initialement situé en périphérie de Pont-à-Mousson, se retrouva, du fait de l’urbanisation croissante, au coeur même de la ville.
En friche depuis de nombreuses années, et servant de parking, la commune décida, en 2003, d’aménager sur ce terrain une annexe du lycée attenant. Lors des terrassements, la Sute livra ses
derniers secrets les plus enfouis : cuves remplies d’hydrocarbures lourds, ainsi que fortes pollutions
des sols et des eaux souterraines par des solvants chlorés.
Rapidement, les services de l’État, et de l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) en particulier, se rendirent compte que la pollution, ne connaissant pas les frontières cadastrales, avait migré sous les habitations mitoyennes au site.
Ainsi, un problème localisé de pollution historique s’avérait une menace sanitaire grave pour les populations riveraines.
En avril 2009, le préfet prescrivit à l’Ademe de surveiller l’évolution du phénomène et d’en évaluer
les risques sanitaires, et, le cas échéant, de trouver et de mettre en oeuvre les mesures de gestion
susceptibles de les maîtriser et de les rendre acceptables. Le défi pour les équipes d’ERG, bureau d’études spécialisé en géotechnique et sites-sols pollués, était lancé !
Si l’évaluation quantitative des risques sanitaires (EQRS) en concluait à l’acceptabilité des risques pour les populations « hors site » (après aménagement de vides sanitaires en sous-oeuvre au droit de deux habitations), une source concentrée de pollution était mise en exergue dans les sols profonds (au-delà de 3 m) en zone saturée, expliquant ainsi les impacts sur les eaux souterraines, dont la qualité pouvait potentiellement se dégrader en cas de remobilisation.
La conclusion était inéluctable : ces terres devaient être retirées et traitées de manière à éliminer au
mieux leur charge polluante.
Outre les travaux de dépollution très spécifiques à mettre en oeuvre, ainsi que les conditions drastiques de sécurité à respecter, la prouesse devenait géotechnique puisque la maîtrise de cette science rendait possible la réhabilitation de cette friche.
L’approche géotechnique, en dehors des informations issues des sondages environnementaux, s’est
appuyée sur des investigations géotechniques et hydrogéologiques (2 profils pressiométriques, 1 sondage carotté équipé en forage d’essai, un essai de pompage, et des essais en laboratoire). Les sols se sont révélés de faible qualité mécanique. Une nappe aquifère était présente à faible profondeur. L’impact des travaux à venir sur les mitoyens habités tout proches devait être maîtrisé.
Au regard de la charge polluante des matrices, il s’est avéré nécessaire de prendre des dispositions fortes visant à protéger le voisinage et les opérateurs de terrain, mais également de mettre en oeuvre un schéma opérationnel spécifique de gestion des eaux et boues de forage, et ceci dès la phase avant-projet.
Les boues issues de ces investigations géotechniques et hydrogéologiques ont été éliminées dans un centre de traitement spécialisé, alors que les eaux ont été traitées sur site par une unité de charbon actif avant leur rejet au réseau public.
Cette approche géotechnique permit d’affiner les solutions environnementales de gestion de manière à concevoir les ouvrages et leur phasage en phase travaux. Du fait de la présence de mitoyens à proximité immédiate, il fallut maîtriser les déplacements ainsi que l’influence du rabattement de la nappe. De plus, pour des raisons environnementales, il convenait de réduire au maximum les débits d’exhaure. Une solution de terrassement au sein d’un batardeau constitué de pieux sécants a été choisie afin de réaliser les terrassements des sols pollués sans déstabiliser les immeubles voisins.
Le pompage des eaux souterraines nécessitait un traitement sur lit de charbon actif. Celui-ci avait été
conçu en fonction des débits calculés lors de la conception.
La gestion des émanations gazeuses issues des opérations de curage des terres polluées a nécessité la mise en place d’une tente afin d’assurer le confinement en dépression du chantier (renouvellement de 6 fois le volume d’air par heure). En effet, celui-ci étant situé dans le centreville, l’impact sur la population du chantier devait être maîtrisé.
De plus, une seconde tente de stockage en contexte urbain était prévue.
Les terrassements sous confinement furent réalisés selon des mailles régulières de 10 m x 10 m établies par les études environnementales. Pour optimiser le traitement des sols pollués, limiter ces terrassements et éviter les butons nécessaires à la tenue géotechnique de la fouille, il a été mis en place (par demimaille) des caissons blindés rigides (5 m x 10 m).
Toujours dans un esprit de valorisation matière et d’optimisation environnementale, le réemploi sur site des matériaux dépollués a été favorisé. Là encore, la géotechnique a été mise au service de l’environnement et de la sécurité pour remblayer au mieux ces matériaux (utilisation de compacteurs téléguidés depuis le bord de fouille, par exemple).
Pour arriver à cette reconquête foncière exemplaire, une communication et une concertation de tous les instants ont été nécessaires vis-à-vis de l’ensemble des parties prenantes (services de l’État, commune, riverains…).
Ainsi, 42 ans après sa fermeture, les équipes pluridisciplinaires d’ERG participaient à redonner une seconde vie à la Sute. Ce renouvellement a été rendu possible par une maîtrise technique de l’ensemble de la chaîne de réhabilitation, chaîne dans laquelle la géotechnique revêt un caractère primordial.
François Mayeux, président
du groupe ERG et Dominique Jacques,
chef d’agence ERG Geotechnique