Contexte général du chantier : site confidentiel, ancienne usine de matériel électrique employant des circuits imprimés, en
zone très urbanisée.
Géologie de la zone saturée : hétérogène, sables argileux à grossiers avec passées argileuses ; substratum argileux vers 9 m de profondeur ; nappe à 2,5 m ; perméabilité estimée à 5.10-5 m.s-1. Le milieu est naturellement oxydant (potentiel redox EH> 100 mv) et le COT est à un niveau très bas dans les eaux et les sols. Il n’y a aucun indice de dégradation biologique en cours.
Pollution des sols :
– zone concentrée : 220 mg/kg en sommes des COHV sur sols (TCE = PCE vers 100 mg/kg ; cis-DCE en traces) ;
– zone diffuse : 5 mg/kg en somme des COHV sur sols (TCE = PCE qq mg/kg>> cis-DCE).
Pollution des eaux :
– zone concentrée : somme COHV = 150-200 mg/l (TCE = 100-150 mg/l ; PCE = 60-80 ; mg/l cis-DCE – Zone diffuse : 60 mg/l (PCE = 40, TCE = 20 mg/l, cis- DCELes objectifs contractuels du CCTP pour les travaux de dépollution étaient les suivants :
zone diffuse : 90 % d’abattement moyen de la somme des COHV à 12 mois, sans effet rebond sur 18 mois ;
zone concentrée : 80 % d’abattement moyen de la somme des COHV à 12 mois, sans effet rebond sur les 18 mois ; maîtrise des métabolites (cis-dce+cv) : en somme des cohv à 18 mois ; rebond toléré de 30 % pour les campagnes réalisées moins
de 3 mois après injection (prise en compte de la remobilisation des polluants post-injection).
En amont de l’appel d’offres, Sarpi Remediation a réalisé des pilotes laboratoire au sein de son laboratoire de Meyzieu. Ces derniers sont essentiels, car ils permettent de discriminer les techniques de traitement a priori adaptées au traitement en fonction de la bio et géochimie locale : traitement par oxydation in situ : concluant mais non retenu du fait des effets rebonds prévisibles en présence suspectée de phase pure ;
traitement biologique anaérobie dynamisé par ajout d’une source de carbone stimulant les bactéries anaérobies : non concluant (bactéries quasi absentes, milieu naturellement oxydé, pas de baisse significative des concentrations), donc non retenu ; traitement par réduction chimique stricte, par ajout de fer zérovalent, retenu : bonne efficacité en laboratoire, détermination de temps de demi-vie pour tous les polluants.
La solution choisie permet une destruction des polluants par déchloration totale du perchloroéthylène. Le sous-produit final n’est pas toxique : l’éthylène est un gaz employé pour faire mûrir les fruits cueillis verts.
Forte de ces résultats, la proposition de Sarpi Remediation comprenait les travaux suivants :
repérage et détournement des réseaux enterrés par excavation sous vide (aspiratrice) sur tout le périmètre du confinement ; confinement hydraulique en palplanches ancrées dans les argiles, avec joint élastomère dans les serrures ;
pose de piézomètres et pompage petit débit pour récupération de la phase pure libre (coulante). Récupération du DNAPL et traitement des eaux par photo oxydation H2O2-UV, puis, charbon actif ;
formulation spécifique de la suspension d’injection ISCR stricte : – pour éviter les phénomènes biologiques : pas de polymère stabilisant des suspensions anti-essorage pour éviter un apport de COT (les gommes guar, agar-agar, xanthane généralement utilisées sont des dérivés de sucres, donc fermentescibles).
– pour éviter la corrosion des palplanches : pas d’activation du fer à l’acide chlorhydrique comme il peut être l’usage (accélère significativement la mise en rédox négatif). Selon les normes en vigueur (fascicule 62.5/ DTU 13.2 / Eurocode 3-5 et notamment la DIN 50 959 part 3) : avec une teneur de
l’ordre de 1000 mg/l de chlorures et de 100 mg/l de sulfates, la vitesse de corrosion généralisée a été estimée à 0,05 mm/ an/face ; et locale à 0,2 mm/an/face. Ces vitesses de corrosion
ont permis de garantir une intégrité hydraulique des palplanches sur une durée de 30 ans ;
forage et injection par imprégnation au tube à manchette : le calcul du débit d’injection d’imprégnation est issu de la relation de Cambefort (injection des sols, Eyrolles 1964), qui est une adaptation de la relation de Dupuit pour les pompages en nappes captives (repris dans le GT8 de l’AFTES). Cette dernière a été étendue par le rédacteur en prenant en compte les effets rhéologiques comme le seul de cisaillement. Pour éviter la fracturation hydraulique, le débit ne doit pas dépasser le débit d’injection a ainsi été calculé en imprégnation à 300 l/h par passe de 50 cm à proximité de la surface (2,5 m) et 1200 l/h par passe en profondeur (9,5 m). Ces débits sont bien plus faibles que pour les injections par fracturation hydraulique (2 000-3 500 l/h en général) ; porosité injectée : 15 % du volume de sol, soit un volume bien supérieur à celui employé en fracturation hydraulique (2-5 %) ;
concentration en fer et maillage des forages :
– zone concentrée : 12 t injectées. La formulation a été revue pour obtenir 7 kg de fer par t de sol, et les maillages des forages ont été resserrés à 2,5 m ;
– zone diffuse : 8 t de fer injectées.
Dosage à 4 kg de fer par tonne de sol, maillage inter-forages de 3,5 m ;
Soit un total de 20 t injectées dans 400 m3 de suspension aqueuse.
PHASE TRAVAUX
Les injections ont eu lieu en une unique opération pendant l’été 2016. Le suivi de la qualité des eaux se poursuit encore aujourd’hui.
Les abattements en PCE et TCE ont été significatifs (> 80 %) en zone concentrée malgré la présence de produit pur. En zone diffuse, les abattements ont été remarquables en PCE et TCE (> 95 %). Toutefois il a été noté une apparition significative de cis-DCE et de CV, dans des proportions non prévisibles selon les théories de réduction chimique (notamment l’ITRC june 2011), avec plus de 15 % de cis-DCE produit. Il est à noter l’intérêt du confinement à l’aval sur les eaux extérieures.
Afin d’expliquer l’apparition de cis-DCE en si grande quantité, Sarpi Remediation a procédé à des analyses qPCR : l’activité bactérienne a été multipliée par plus de 10 à 1000 malgré l’absence de source de carbone injectée ! L'injection de fer dans le milieu a favorisé une activité de bactéries autotrophes (capables d’utiliser le CO2 comme source de carbone) à l’intérieur du confinement, phénomène toutefois rarement remonté dans l’application de cette technique. Il a été heureusement remarqué la présence des bactéries Dehaloccoccoides qui permettent de dégrader toute la chaîne des composés chlorés en présence, mais avec une cinétique bien plus lente de la réduction stricte par contact avec le fer.
L’enseignement majeur de ce chantier est qu’il est pratiquement impossible de prévenir une activité biologique en réduction chimique stricte (en n’injectant que du fer et de l’eau).
Les conceptions futures des traitements au fer zérovalent des zones sources ont été revues :
couplage des pilotes en laboratoire de mesure des temps de demi-vie sur colonne abiotique (sable), tel que préconisé par l’ITRC de juin 2011 (https:// i t rcweb.org/teams/projects/permeable-
reactive-barriers), avec des pilotes de dégradation biologique par batch avec le sol du site à traiter ;
adaptation des protocoles de réception en prenant en compte le risque d’une accumulation de cis-DCE, plus lent à dégrader ; augmentation du dosage en fer, notamment en soil-mixing (2 à 4 % du
sol), afin d’avoir une cinétique de réduction chimique plus rapide que la dégradation anaérobie induite.
Le traitement s’est avéré très efficace et conforme aux objectifs sur les précurseurs PCE et TCE tant en zone diffuse (plus de 95 % d’abattement) qu’en zone concentrée (environ 80 % d’abattement).
Seul l’abattement du cis-DCE n’a pas été obtenu du fait des effets biologiques induits, contrairement à la théorie (ITRC 2011). Il n’en reste pas moins que l’essentiel des sites traités au fer zérovalent ont montré de très bons abattements et ont confirmé qu’une seule injection suffisait en zone source.
Boris Devic-Bassaget et Alexandre Besse
Sarpi Remediation (membre de l’UPDS)