Le concours géologie-eaux-environnement (G2E) offre tous les ans plus de 200 places dans des écoles publiques qui
pour la plupart forment en 3 ans aux métiers d'ingénieurs du sous-sol avec tous ses domaines d'application : ressources
naturelles, géotechnique, travaux souterrains, terrassement, stockages, sites et sols pollués, eaux souterraines, et bien sûr toutes les méthodes de caractérisation et de modélisation du sous-sol : géophysique, pétrophysique, télédétection.
LE CONCOURS G2E ET SES ÉCOLES
Il s’adresse aux élèves des classes préparatoires biologie-chimie-physique-sciences de la Terre (BCPST), qui se destinent principalement aux écoles vétérinaires et agroalimentaires, et qui reçoivent pour cela une formation particulièrement équilibrée entre toutes les disciplines scientifiques, y compris
des bases solides dans le domaine du vivant et de la géologie. Au-delà d’un fond scientifique solide et diversifié, ces étudiants montrent des qualités indispensables pour des futurs ingénieurs devant travailler dans le sous-sol : capacités d’observations, capacité de comprendre les systèmes complexes, capacité de raisonner à partir de données fragmentaires et incertaines, capacité de synthèse.
UNE ADAPTATION NÉCESSAIRE AUX ÉVOLUTIONS DU MONDE
Les évolutions à l’oeuvre dans ces écoles sont pour une très large part partagée avec tout l’enseignement supérieur, aussi bien en France qu’à l’étranger, mais certaines sont spécifiques aux
écoles d’ingénieurs françaises, orientées par l’action de la Commission des titres d’ingénieur (CTI), et d’autres sont spécifiques à l’ingénierie du sous-sol.
Le premier point, qui n’est pas vraiment nouveau, est le développement massif du contenu numérique disponible en ligne. Sur un moteur de recherche, l'entrée « fold, geology » (plis) donne plus de 13 millions de réponses, dont 49 000 vidéos. Le terme « liquéfaction des sols » (en français) donne plus de 5 000 vidéos. Bien sûr, il y a du bon et du moins bon, et différents niveaux de compréhensions visés, mais c’est une formidable richesse à la disposition des enseignants et des étudiants. L’effet
de cette abondance de ressource est démultiplié par les performances des téléphones portables et des réseaux de transmission. Le rôle du livre comme support d’enseignement est devenu, il faut bien le reconnaître, très réduit. L'enseignement doit s'adapter à cette réalité. On ne peut pas faire le même
cours magistral quand on sait que les étudiants peuvent vérifier en direct ce qui leur est raconté. Sur quasiment tous les sujets, les élèves peuvent, en principe, se former seuls, comme ils pouvaient auparavant se former à partir de livres. Dans un futur plus ou moins lointain, on peut imaginer que le rôle de l’enseignant sera celui d’une sorte de « coach », qui guidera chaque étudiant dans son parcours d’apprentissage, en l’orientant vers les ressources les plus adaptées, et surtout en s’assurant de la cohérence du corpus de connaissance dont il se sera doté. Il restera toutefois à l’enseignant et à l’institution qui l’emploie le rôle absolument irremplaçable d’évaluer et de certifier les compétences
acquises.
On est très loin de ce tableau futuriste, mais on voit, dans les écoles une évolution importante des pratiques pédagogiques, avec une diminution des enseignements traditionnels et une montée
en puissance de la pédagogie active : enseignement par projet, « serious games », compétitions scientifiques et techniques (de type hackathons).
Une autre transformation, qui s’effectue cette fois sous l’impulsion de la CTI, est la redéfinition des enseignements sous la forme d’acquis de l’apprentissage et de compétences. Si cette évolution
peut sembler un simple habillage des pratiques traditionnelles, elle est en fait très profonde, car elle inverse le processus de création des enseignements, qui doit être défini à partir de ses objectifs
et non par la proposition de l’enseignant.
Les écoles d’ingénieurs, qui ont une longue tradition de collaboration avec des industriels qui savent parfaitement définir leurs métiers par des compétences, sont bien armées pour réussir cette transition, pour l’essentielle déjà mise en place dans les écoles de G2E. Sous l’impulsion de la CTI également,
on constate dans les écoles d’ingénieur françaises une diminution du volume horaire consacré aux enseignements scientifiques et techniques, au profit des enseignements destinés au développement
d’autres compétences de l’ingénieur moderne : management, droit, économie, communication, etc. Cette transformation, qui se poursuit depuis de nombreuses années, doit bien évidemment se faire sans perte de compétences techniques et scientifiques. Une partie de la réponse à cette demande
est le développement de l’alternance sous différentes formes, qui organise un partage des tâches entre l’école, en charge de l’enseignement rigoureux des concepts scientifiques et techniques, et
l’entreprise, qui permet directement ou indirectement de développer les autres compétences nécessaires à un jeune ingénieur.
DES ÉTUDIANTS BIEN DIFFÉRENTS DES GÉNÉRATIONS PRÉCÉDENTES
Quelles que soient les transformations apportées ou imposées par l’évolution du monde ou celles du cadre institutionnel, il ne faut pas oublier que la principale richesse de nos écoles ce sont les étudiants eux-mêmes. Ce sont de jeunes adultes intelligents, informés, avec souvent des convictions déjà
solides. Les motivations qui les ont amenés à choisir les écoles de G2E ont changé. Dans un marché de l’emploi qui leur est favorable, la garantie de trouver un métier intéressant et bien rémunéré
n’est pas leur motivation principale.
Pour la plupart ils veulent être utiles et participer activement à l’élaboration des solutions qui doivent être imaginées pour répondre aux formidables défis qui attendent l’humanité. Le concours G2E,
qui regroupe des écoles dont le profil est dans l’ensemble très spécifique, attire des étudiants motivés avec une maturité remarquable. C’est très perceptible dans les écoles, mais également visible
dans le début de parcours professionnel des jeunes diplômés, qui choisissent leur premier emploi avec soins et qui n’hésitent pas à changer d’employeur s’ils se trouvent en contradiction avec leurs convictions.
Pour attirer ces jeunes, les écoles de G2E sont, comme toutes les entreprises qui oeuvrent dans le sous-sol, confrontées à une difficulté importante qui est leur association historique avec des secteurs
industriels dont l’activité semble à première vue incompatible avec les impératifs des transitions énergétiques et écologiques : industrie minière, hydrocarbures, BTP. Il y a un énorme effort de communication à faire pour expliquer que les ingénieurs du sous-sol auront un rôle crucial à jouer dans les transitions en cours.
DES DÉFIS POUR LE FUTUR
À l’évidence, le principal défi est celui de l’irruption de l’intelligence artificielle générative dans les entreprises et l’enseignement.
Qu’en feront les industriels ? Comment l’enseigner ? Comment s’en servir dans l’enseignement ? Un collègue m'a signalé récemment qu'il avait réussi à faire produire un sujet d'examen de type QCM par une IA générative en lui fournissant le syllabus détaillé. Le résultat ne demandait que quelques retouches. On sait que l’IA peut écrire un rapport de projet. Peut-elle le corriger ? Peut-elle détecter la partie du rapport elle-même créée par une autre IA ?
Peut-on apprendre à une IA à décrire un échantillon géologique ? À gérer un chantier ? Les questions donnent le vertige, et c’est bien pour cela qu’elles sont passionnantes.
Jean-Marc Montel
Professeur ENSG
Directeur du concours G2E
Olivier Cuisinier
Professeur ENSG
Responsable de l'option géotechnique