Le pont de pierre, classé monument historique, est le premier pont à être construit sur la Garonne à Bordeaux. Commandé par Napoléon 1er et terminé en 1822, il mesure 487 mètres
de longueur, 14,80 mètres de largeur, et possède 16 piles et 2 culées pour 17 arches maçonnées en pierre et en briques. Il supporte aujourd’hui 2 voies de tramway, 2 voies de circulation routière et 2 trottoirs pour piétons et vélos ; 15 000 véhicules et 7 000 cyclistes l’empruntent quotidiennement.
Le pont est soumis à des affouillements par contraction causés par le rétrécissement du lit de la Garonne, et des affouillements locaux générés par l’interaction entre les courants et les piles. Ces phénomènes érosifs créent des fosses d’érosion à proximité des piles et des pentes instables dans les talus sous-fluviaux qui supportent les fondations. Un chantier de confortement a donc été nécessaire.
UN FOND TAPISSÉ DE SACS D’ENROCHEMENTS
Début 2017, Bordeaux Métropole confie au groupement Balineau, Eiffage Travaux Maritimes et Fluviaux (ETMF) et Vinci Construction Maritime et Fluvial (VCMF) les travaux de confortement des talus par voie nautique, et dont le maître d’oeuvre est Antea. Le marché prévoit le comblement des fosses par filets d’enrochements, puis la pose de 150 gabions de 12 x 12 x 0,5 m.
Un levé multifaisceau initial a permis à SUB-C Marine, sous-traitant en charge des contrôles de suivi par imagerie acoustique, d’établir une maquette 3D du chantier, laquelle évolue au fil du chantier en fonction des récolements de pose. Démarré en juin 2017, le chantier devrait se terminer en 2020 avec la restauration générale de l’ouvrage afin d’en assurer la pérennité.
Le premier objectif du confortement est le comblement des fosses d’érosion par des gros sacs de pierres (filets synthétiques d’enrochements emmaillotés). Le remplissage de ces filets (granulométrie de 40 à 200 mm pour une maille de 30 mm) se fait à terre à l’aide de moules métalliques et avec une pelle 8 t. Ces filets de dimensions variables (entre 2,5 et 4 t) s’adaptent en fonction de la morphologie des fosses à combler.
Une fois finalisés, les sacs sont acheminés par ponton flottant et bateau pousseur jusqu’au ponton-grue de pose. Ils sont ensuite descendus dans la fosse par palonniers de 4 unités selon un calepinage préétabli à partir de relevés bathymétriques. La descente est suivie par caméra acoustique 2D, puis validée par les plongeurs (sous-traitant Romoeuf) qui vont vérifier leur bon positionnement au fond.
DES GABIONS DE 144 MÈTRES CARRÉS
La seconde opération du confortement est la pose d’une carapace de protection en gabions métalliques. Pour la mise en place de ces gabions, le groupement a choisi AquaTerra Solutions pour son accompagnement, et la fourniture de 22 000 m² de gabions à cellules multiples ainsi que leurs suspentes de levage. Ces gabions 6 x 2 x 0,5 m sont, tout comme les sacs, montés sur le dépôt Balineau à Bordeaux. Ces modules de 12 m2, assemblés par 144 m², sont remplis avec une granulométrie de 90/180 mm.
UNE ÉPAISSEUR DE 50 CM
Après l’insertion des suspentes de levage, ils sont assemblés en gabions de 12 x 12 m avec une épaisseur de 50 cm (soit 12 modules unitaires) sur des pontons flottants à quai. En une journée, un module de 144 m² est ainsi assemblé, rempli et fermé. Le remplissage est fait au moyen d’une pelle à long bras depuis le quai. Le marnage de 5 m (différence de hauteur des marées) complique le travail. Ce chantier mobilise une quarantaine de salariés.
Ces gabions sont en maille tissée à double torsion certifiée NF Acier, avec un revêtement GalFan de durabilité exceptionnelle et plastifié gris. Les gabions possèdent un ou plusieurs débords spécifiquement étudiés pour garantir la continuité de la protection.
Les pontons flottants équipés de leurs gabions finalisés de 115 t chacun sont acheminés jusqu’au pont de pierre. Les manoeuvres et le trajet dans les forts courants de la Garonne sont possibles grâce à l’expérience des équipes et à un bateau pousseur de 1 000 CV, Le Brazza, que Balineau a fait construire spécifiquement pour ce chantier.
UNE POSE SUR MESURE
La pose des gabions de 12 x 12 m se fait avec un portique et un palonnier fabriqués sur mesure et installés sur un ponton flottant en U de 33 x 21 m.
Le ponton de servitude portant le gabion est positionné sous le palonnier dont les doigts, actionnés par vérins hydrauliques, viennent s’insérer dans les suspentes de levage.
Une fois le gabion levé, le ponton/portique se positionne avec précision (instrumentation GPS) grâce à l’action de ses treuils sur les 6 câbles de mouillage. Comme pour les sacs, la descente –
profondeur d’eau de 20 m – est suivie par caméra acoustique 3D et validée par les plongeurs qui vont vérifier que chaque gabion est au contact de ceux posés précédemment.
Les gabions à cellules multiples de 6 x 2 m ou 8 x 2 m habituellement utilisés en confortement ne cou-vrent que 12 et 16 m².
Sur ce chantier, ce sont 144 m² qui sont recouverts par chaque module. Les avantages sont un poids unitaire beaucoup plus élevé rendant le gabion plus stable et la continuité de la protection meilleure.
Les poses des sacs et des gabions sont régies par des conditions environnementales contraignantes : de forts courants (2,5 m/s), une fenêtre de pose aux étales qui durent une trentaine de minutes, et une forte turbidité rendant complexe le suivi par caméras acoustiques et plongeurs.
Ces conditions imposent une rigueur et un savoir-faire que les équipes du groupement prouvent au quotidien.
Aude Moutarlier,
en collaboration avec AquaTerra Solutions