L’entreprise Charier œuvre depuis 124 ans dans les domaines des travaux publics. Pour répondre à certaines problématiques de fondation, elle a mis au point en 2011 un système de forage un peu différent. Baptisé « forage à la dinardaise », du premier chantier où il a été mis en œuvre, cette technique permet de pré-forer le sol avant la mise en place des pieux. C’est cette méthode qui a été employée sur le chantier de Barneville-Carteret où l’entreprise est intervenue.
LE CHANTIER DE BARNEVILLECARTERET
Niché au creux d’un havre et à l’abri du cap de Carteret, le port de BarnevilleCarteret est au centre d’un exceptionnel bassin de navigation, entre le nord de la Bretagne et le sud de l’Angleterre. Le Département a souhaité étendre le bassin à fl ot en mettant en eau une partie du chenal. Cet aménagement du port de Barneville-Carteret s’inscrit parmi les principaux projets portuaires du Département en matière d’extension de ses capacités d’accueil des plaisanciers, en quantité et qualité.
Ce chantier a permis de tripler le plan d’eau, qui est désormais de 13 ha, et d’accueillir ainsi deux fois plus de bateaux et de pontons. Pour ce faire, il a fallu déplacer la retenue et la porte battante plus en aval du chenal. Cela a permis de restructurer la zone auparavant aménagée en échouage pour la passer en bassin.
Les travaux étaient donc répartis en plusieurs phases et lots. Ils ont démarré en septembre 2019 et se sont déroulés en 3 phases, interrompus à plusieurs reprises par la pandémie.
La première phase consistait à terrasser le chenal et la zone d’échouage et de procéder à son désensablage. Pas moins de 80 000 m3 de sédiments ont été retirés, et ont été utilisés pour recharger la plage de Barneville et un banc de sable dans le havre. Les entreprises ont ensuite procédé à la mise en eau du chenal et à l’aménagement du nouveau seuil submersible avec une nouvelle porte de 8 t et de 20 m de largeur. Enfin, la dernière phase était consacrée à la mise en place des pieux et des pontons et à la déconstruction de l’ancien seuil. « C’est sur cette dernière phase que nous sommes intervenus. Nous avons eu en charge la déconstruction de l’ancien seuil et le battage des 72 pieux nécessaires aux nouveaux pontons », explique Nicolas Rouland, responsable d’affaires chez Charier Génie Civil. L’entreprise travaillait en co-traitance avec Metalu qui s’est, pour sa part, chargée de la fourniture et de la pose des nouveaux pontons.
DES PIEUX DE DEUX DIMENSIONS
L’entreprise a mis en œuvre des pieux de deux dimensions différentes selon la destination des pontons. « Pour les pannes destinées aux petites embarcations, nous avons battu du diamètre 609 mm, tandis que pour celles destinées à accueillir la grande plaisance ou les bateaux de pêche, nous avons installé du 762 mm, car les efforts sont plus importants sur ces pieux », poursuit Nicolas Rouland.
Ces pieux ont été mis en œuvre avec des forages dits « à la dinardaise ». Une solution brevetée par Charier. Cette méthode consiste à utiliser un mât de forage, lui aussi breveté, pour pré-forer le sol. Cela permet ensuite le battage du pieu à la cote requise. Le mât de forage est mis en place avec la grue treillis du ponton dans le pieu. Ce mât est composé d’une barre de forage équipée d’un moteur hydraulique d’entraînement en rotation, et munie à son extrémité d’un outil de forage type marteau fond de trou. Le couple de rotation est transmis sur le tube par un dispositif de pinces. Tout type de forage peut être réalisé : du 8” au 32”, et cette solution convient également à tout type de roche, ici du schiste. « Traditionnellement, sur ce type de chantier de fondation, on utilisait le minage ou le trépanage. L’un des avantages avec le forage à la dinardaise, c’est que l’on gagne beaucoup de temps », indique le chargé d’affaires. Par ailleurs, le minage implique un forage plus important et donc des pieux plus grands, ce qui augmente les coûts.
UN CHANTIER FLOTTANT
Pour procéder à ce battage, tout l’atelier a été mis en place sur un ponton fl ottant. Ainsi, une grue de 60 t, une pelle de 20 t pour le guidage des pieux, une nacelle, un compresseur et une centrale pour le marteau hydraulique ont été embarqués. Et un second ponton accueillait les tubes d’une épaisseur comprise entre 12 et 25 mm. « Il aura fallu à peine deux mois et demi pour procéder à cette phase du chantier ; c’est assez peu, d’autant plus que nous avons eu quelques jours compliqués à cause du vent. »
L’autre phase des travaux consistait à déconstruire l’ancien seuil. « Pour cela, nous avions deux pontons fl ottants dédiés également. L’un accueillait une pelle équipée d’un BRH et d’un GPS pour la démolition, et un second pour réceptionner les gravats », poursuit Nicolas Rouland. L’aspect compliqué de cette phase est de travailler à l’aveugle sous l’eau. Mais pour pallier ce problème, le GPS installé dans la pelle intègre l’altimétrie du projet et du bassin existant, ce qui permet au chauffeur de connaître l’altimétrie de l’ouvrage au fur et à mesure de la démolition.
Ces travaux ont suscité un certain engouement : la SPL des Ports de la Manche a commencé à procéder à la commercialisation des nouveaux emplacements et à leur attribution.
Confortant le Département dans son projet, l’ensemble des places sont à ce jour réservées, et les premiers bateaux arrivés à leur emplacement défini.
Maylis Roizard