À l’emplacement de l’ancien Park Hôtel, localisé au cœur du Carré d’or de Nice, un projet de restructuration et d’extension est développé par l’association des maîtres d’ouvrage City Mall Management France et MAH Nice Victoria Building. Mais avant que l’ancien Park Hôtel de Nice cède sa place au nouveau et luxueux « Place Avenue Nice », ce sont les fondations spéciales qui vont œuvrer.
Cet ensemble proposera 12 boutiques de luxe et un restaurant en pied d’immeuble, sur une superficie totale de plus de 4300 m². Un hôtel 5 étoiles de 140 chambres occupera les étages supérieurs. Ce projet prévoit la réalisation d’une enceinte en parois moulées comportant 3 niveaux de sous-sol : les 2 niveaux inférieurs seront occupés par des parkings alors que le premier niveau sera réservé au spa de l’hôtel. L’accès à cette zone enterrée nouvellement créée à l’aplomb de la façade nord, se fera via une tranchée couverte passant en dessous du bâtiment Park Hôtel, et dont l’entrée se situera au droit du jardin d’Arménie (façade sud). Dans le cadre de ce projet, il sera fait appel à différentes activités de fondations spéciales : parois moulées, barrettes de fondations, injections solides, pieux sécants et la mise en place des butons précontraints. L’ensemble des travaux de gros œuvre et de fondations spéciales a été confié au groupement Eiffage Construction Alpes-Maritimes - Spie Batignolles fondations.
La réalisation des travaux s’inscrit dans un contexte urbain dense et à proximité de bâtiments existants dont certains possèdent des murs mitoyens à la parcelle (voir figure 1).
Ce voisinage a imposé des contraintes particulières en phase d’exécution avec notamment l’instrumentation des avoisinants, la mise en place de poutrelles HEB dans les murettes guides, elles-mêmes isolées des mitoyens par du polystyrène, une déviation de réseaux phasée pour l’exécution de la tranchée couverte, la réalisation préalable d’un portique BA de renforcement pour l’accès, l’utilisation de foreuses d’injection avec gabarit réduit, centrale bentonitique dissociée. L’exiguïté de l’enceinte disponible a par ailleurs imposé le déplacement du dessableur et des fosses à déblais en cours de production (photo 1).
CONTEXTE GÉOTECHNIQUE
Le terrain du projet est situé dans une zone de substratum marno-gypseux d’âge triasique surmonté par des dépôts alluvionnaires de nature variable. Les reconnaissances de sol ont été conduites en 2017 par Sol-Essais, société spécialisée en géotechnique. Elles comprenaient des sondages carottés, des essais pressiométriques, des essais au carottier dynamique type SPT, des sondages destructifs avec enregistrements de paramètres ainsi qu’un essai de pompage et les mesures piézométriques associées. Ces reconnaissances de sol ont mis en évidence les formations suivantes, des couches depuis le terrain naturel :
Des essais de laboratoire (type identification des sols et essais mécaniques) ont complété les campagnes d’investigation in situ.
CONTEXTE HYDROGÉOLOGIQUE
Le site est localisé à environ 250 m de la plage. Les niveaux de nappe phréatique observés lors de la campagne d’investigations sont généralement situés entre + 0,0 et + 1,0 NGF. Le soutènement périphérique en parois moulées devait s’ancrer dans la formation argileuse de faible perméabilité. L’essai de pompage réalisé (lors de la phase G2 AVP par Sol-Essais) au moyen d’un puits de 29 m de profondeur, crépiné de 20 à 29 m et associé à 3 piézomètres de suivi avait donné un débit de 0,6 m3 /h environ pour un rabattement de 10 m dans le puits. La perméabilité des argiles déduite de cet essai était ainsi de l’ordre de 10-6 m/s. L’estimation du débit d’exhaure en phase provisoire a été menée en considérant une valeur prudente de 2 x 10-6 m/s.
INJECTIONS SOLIDES
Les études de sols préliminaires avaient mis en évidence un risque de liquéfaction des terrains d'assise de fondation des semelles existantes de l’hôtel et la nécessité de réduire ce risque par un traitement de sols approprié. Les remblais, alluvions de couverture et les silts ont donc été traités par injection solide. Un plot d’essai associé à des sondages de contrôle a été réalisé afin de valider le maillage et d’ajuster la méthodologie d’exécution. La technique d’injection solide consiste à incorporer dans un terrain un mortier de consistance assez ferme sous une pression relativement élevée ; l’apport de ce mortier permet une diminution de l’indice des vides du sol traité. Le volume de matériau injecté forme une masse homogène qui s’engraisse tout au long de l’incorporation sans se mélanger avec le sol. L’amélioration des caractéristiques d’un sol par injection solide est le résultat de deux effets principaux :
Au total, ce sont 218 forages représentant 3710 m qui ont été réalisés à la maille de 2 m x 2 m (figure 2 ci-dessous et photo 2).
À la fin des travaux, une campagne de sondages de contrôle avec essais pressiométriques et des essais SPT a été menée ; elle conclut à une amélioration des pressions limites des alluvions de 25 % et pour les silts de plus de 15 %. Par ailleurs les SPT fournissaient un terme (N1)60 moyen supérieur à 20 permettant de conclure à l’absence du risque de liquéfaction de cette couche.
PIEUX
Dans le cadre du marché, les soutènements provisoires de la tranchée couverte d’accès au parking souterrain ont été réalisés en pieux sécants. Cette tranchée couverte passe sous l’avenue de Suède et le jardin d’Arménie. Ce sont 286 pieux en tarière creuse de diamètre 620 mm espacés de 500 mm qui ont été réalisés, avec des longueurs de forage entre 8 m et 11 m environ. Un pieu sur deux est équipé d’une cage d’armatures afin de reprendre les sollicitations de poussée des terres en phase de travaux. Ces pieux sont maintenus en tête par un lit de butons métalliques provisoires associés à des liernes continues. Par la suite, l’entreprise de gros œuvre réalisera un cadre en béton armé définitif, venant se substituer aux pieux.
PAROIS MOULÉES ET BARRETTES
Le projet comprend un parking souterrain de 3 niveaux en sous-sol à réaliser à l’abri d’une paroi moulée périmétrique de 186 m de linéaire en épaisseur 62 cm et 82 cm. Cette paroi se compose de 31 panneaux de 23 m de profondeur ancrés de 8 m dans les argiles peu perméables ; le fond de fouille général est à 11,5 m de profondeur par rapport au niveau du TN, soit environ - 8 NGF. Les études de dimensionnement des parois moulées ont été faites par la méthode aux éléments finis. En effet, les fondations superficielles de l’hôtel R+6, induisant jusqu’à 1,5 ba de contrainte au sol induisaient une dissymétrie marquée de chargement sur les soutènements et nécessitaient une estimation précise des déplacements des ouvrages. Plusieurs coupes de calculs ont donc été étudiées conjointement par Spie Batignolles fondations et Eiffage Construction grâce aux logiciels Plaxis 2D et 3D. Ces calculs ont permis de démontrer que les déplacements du soutènement restaient inférieurs aux critères de déplacement autorisés dans ce contexte urbain dense. En complément des parois moulées, vingt-trois barrettes de fondation ont été réalisées en arase basse depuis le terrain naturel. D’une section de 2,8 m x 0,82 m, elles sont équipées d’armatures sur toute leur hauteur utile ; les longueurs de fiche varient de 8 m à 25,3 m selon la descente de charges. Les efforts exercés sur les barrettes ont été définis via un calcul itératif entre le bureau d’études de structure d’Eiffage et celui de Spie Batignolles fondations. Ces barrettes ont été calculées au séisme en intégrant la neutralisation d’une frange de terrain de 3 m d’épaisseur sous le fond de fouille afin de s’affranchir des problématiques de liquéfaction du terrain.
BUTONS MÉTALLIQUES
Pendant les travaux, les parois de soutènement sont maintenues par 3 lits de butons métalliques précontraints, mis en place au fur et à mesure des terrassements. La mise en précontrainte de ces appuis assure une meilleure maîtrise des déplacements des ouvrages de soutènement, mais également des mitoyens proches. Les efforts de précontrainte issus des différents modèles de calculs de ce soutènement varient de 285 KN/m à 430 KN/m, et ont conduit à des efforts de précontrainte unitaire par butons de 5150 KN maximum. Le cahier des charges imposant la nécessité de pouvoir remettre en charge les butons, les extrémités de ces derniers ont été pourvues de barres filetées de gros diamètre permettant un recalage du vérin et une remise en charge des butons. Tous les butons précontraints seront équipés d’un capteur de force permettant un suivi des efforts en continu.
Les mouvements de parois moulées et efforts dans les butons ont été contrôlés pendant les phases de terrassements et ont été en dessous de ceux calculés.
ALÉA GÉOLOGIQUE LORS DE L’EXCAVATION DES PAROIS MOULÉES
La stabilité hydraulique du fond de fouille (vérifications de la boulance, mais aussi du renard solide), de même que le non-soulèvement de l’ouvrage sous l’effet de la sous-pression s’exerçant sous le radier sont assurés par un ancrage de 5 m de la paroi moulée dans les argiles. Lors de l’excavation des parois moulées, un paléo-talweg non reconnu dans la mission géotechnique G2 a été identifié par l’entreprise suivant une direction a priori nord-sud et traversant la fouille sur une largeur d’une quinzaine de mètres. Ce paléo-talweg se caractérise par des graves sableuses et galets, avec quelques passages argileux de faibles épaisseurs. Compte tenu des risques hydrauliques inhérents à ce projet, le maître d’œuvre, immédiatement informé, a validé en accord avec l’entreprise, un approfondissement local de la paroi moulée jusqu’à une profondeur de 38 m (soit un allongement de la fiche de 15 m par rapport à la base perforation théorique). Cet approfondissement n’a cependant pas permis d’ancrer la paroi moulée dans une matrice argileuse et de réaliser la fiche hydraulique espérée.
RECONNAISSANCES COMPLÉMENTAIRES
Afin de caractériser l’étendue de ce paléo-talweg et de connaître ses caractéristiques hydrauliques et mécaniques, une campagne d’essais complémentaires a alors été menée par le bureau d’études de sol (Sol Essais) dans le cadre d’une mission G5. Cette mission a consisté à réaliser 1 forage carotté de corrélation de 45 m de profondeur, 1 forage destructif avec enregistrement de paramètres de 40 m de profondeur avec essais pressiométriques, 8 forages destructifs avec enregistrements de paramètres de 24 m de profondeur. Ces essais ont été complétés par la réalisation de 3 forages piézométriques à 24 m de profondeur, 1 puits de pompage de 24 m, 1 essai de pompage sur 4 jours avec essai au micromoulinet et essais Lefranc. L’ensemble des données recueillies ont ensuite été interprétées par Sol Essais et par le bureau d’études d’hydrogéologie Eau & Perspectives. Le rapport d’étude G5 établit que le paléo-talweg présente des caractéristiques mécaniques satisfaisantes (pL > 3.7 mPa, Em > 35 mPa) au regard des hypothèses de dimensionnement des parois moulées, mais qu’à l’inverse une alimentation importante au-delà de 36 m de profondeur conduisait à une perméabilité de l’ordre de 3 x 10-4 m/s. Cette perméabilité conduisait à un débit de pompage d’environ 200 m3 /h en phase de terrassement, bien supérieur au débit de moins de 20 m3 /h initialement prévu. Théoriquement, les risques associés à cette forte perméabilité sont l’apparition du phénomène de boulance, la survenance d’un renard hydraulique pouvant conduire au soulèvement ou à la rupture du fond de fouille, mais également à l’apparition d’un phénomène de rabattement de nappe à l’extérieur de l’ouvrage susceptible de générer un tassement des fondations superficielles des avoisinants. Concrètement, la non-identification de ce paléo-talweg lors de l’excavation des parois moulées aurait fait courir un risque majeur à la structure de l’ouvrage ainsi que celui d’un incident grave pour les équipes travaux lors du terrassement de l’ouvrage et de dommage important sur les avoisinants, situés à moins de 50 cm des parois moulées.
CONSÉQUENCES DE CET ALÉA GÉOLOGIQUE
La campagne d’analyse complémentaire réalisée et son interprétation ont démontré que l’approfondissement des parois moulées n’était pas une disposition suffisante pour supprimer les risques hydrauliques et structurels. Il était pourtant impératif que ce risque soit traité, Spie Batignolles fondations et Tractebel Engineering ont alors proposé la réalisation d’un bouchon injecté sous le fond de fouille en pied de parois moulées. Ce bouchon injecté a été confié à l’entreprise Vippell, partenaire d’Eiffage Construction Alpes-Maritimes, et a consisté à réaliser des colonnes de jet-grouting sécantes sur l’ensemble de la surface de la fouille (1800 m2 ). Ces colonnes d’une épaisseur de 1 m à 22 m de profondeur ont été réalisées entre octobre 2020 et juillet 2021 à l’aide de 3 foreuses, soit un décalage de planning de presque 1 an pour le terrassement de l’ouvrage. Ce rallongement de délais est causé par le fait de détection de mouvements importants sur les avoisinants nécessitant des arrêts et reprise de travaux fréquents pendant la réalisation de ces travaux. Afin de valider la bonne réalisation du bouchon, un essai de pompage est prévu en août 2021 avec un débit inférieur d’environ 12 m3 /h.
CONCLUSIONS
Ce chantier a cumulé de nombreuses difficultés liées à un environnement fortement urbanisé et sensible offrant une emprise réduite contraignante, mais également à un contexte hydrogéotechnique complexe, aggravé par la découverte durant les forages de parois moulées d’un paléo-talweg profond difficilement détectable lors des reconnaissances préliminaires. On ne manquera pas de rappeler que les travaux de parois moulées ont été réalisés en partie durant la crise sanitaire due à la covid-19. Depuis janvier 2022, la phase de construction de l’infrastructure est en activité.
Manh hai Le Rédacteur et ingénieur études, Spie batignolles
Stéphane Gilbert et Jimmy Napol Ingénieurs travaux, Spie batignolles
Yannick Hignard Conducteur travaux, Spie batignolles