Le bassin de Montredon, localisé sur la commune de Salsigne (Aude), est un ancien bassin de stockage de boues arséniées issues du traitement du minerai de la mine d’or de Salsigne. Un million de mètres cubes de pulpes de concentrés de flottation ont été stockés à partir de 1994. Entre 1999 et 2005, des déchets, résidus de traitement et déblais pollués ont été ajoutés dans le stockage.
Les digues du bassin de Montredon sont constituées de matériaux marno-calcaires, schistes compactés et d’une paroi interne en argile. Initialement, l’ouvrage devait être édifié sur une vingtaine de mètres de hauteur. Cependant, l’exploitant de l’époque a décidé, à partir de 1997, de continuer à rehausser l’ouvrage jusqu’à 27 mètres, afin de poursuivre la mise en dépôt des résidus de traitement. Les digues de l’ouvrage, et en particulier la digue ouest, ont été affectées par plusieurs épisodes d’instabilités plus ou moins profondes durant ces dernières périodes de rehaussement.
À la fermeture du stockage, des glissements superficiels ont également été observés.
Depuis 2006, le Département prévention et sécurité minière (DPSM) du BRGM s’est vu confier par l’État une mission de surveillance des anciennes installations minières et de mise en sécurité des sites miniers présentant des risques vis-à-vis des populations. À ce titre, l’Unité territoriale après-mine Sud (UTAM Sud) gère notamment les ouvrages localisés dans le département de l’Aude, en région Occitanie.
En 2007, la persistance de mouvements profonds sous la digue ouest du bassin de Montredon et la présence d’un mouvement superficiel en sommet de cette même digue sont constatés.
Les indices de mouvements profonds sont relevés sur les suivis inclinométriques du versant ouest.
Les mesures inclinométriques indiquent une surface de glissement potentielle au niveau d’horizons
argileux naturels. Les rechargements successifs et la présence d’une nappe sous les horizons argileux, susceptible de se mettre en charge, semblent être à l’origine du mouvement profond.
À long terme, après d’éventuels épisodes pluvieux soutenus et une potentielle mise en charge de la
nappe, les mouvements de cisaillement de l’horizon argileux pourraient s’accentuer et accélérer
le glissement profond. De plus, le rechargement de la partie supérieure de la digue pour stabiliser le glissement superficiel risquerait également d’amplifier le cisaillement profond. En vue de sécuriser
l’ouvrage, l’UTAM Sud a engagé à partir de 2008 des investigations géotechniques, des études de
stabilité et de conception d’une solution de renforcement en prenant en compte les mouvements profonds et l’instabilité sommitale. En 2013, le bureau d’études Geos est retenu pour assurer une mission de maîtrise d’oeuvre complète, de la conception au suivi des travaux de confortement.
À l’issue de la phase de conception, le dispositif retenu de mise en sécurité de la digue pour conforter
le talus en glissement profond consiste à mettre en oeuvre trois files de pieux verticaux recoupant
la surface de glissement associé à la réalisation de drains horizontaux en pied de digue pour le drainage de la nappe. Le dispositif de mise en sécurité du glissement superficiel consiste en la réalisation d’un merlon de blocage avec maintien de l’étanchéité du stockage dans cette zone.
En 2016, l’entreprise Botte Fondations du groupe VINCI est retenue par le DPSM pour la
réalisation des travaux. Les travaux ont débuté en mai 2017 et doivent s’achever à la fin du mois d’octobre 2017. Ils se déroulent suivant trois phases : mise en oeuvre des drains, réalisation des pieux, puis mise en place du remblai sommital.
DIMENSIONNEMENT DE LA SOLUTION (GEOS)
Geos Ingénieurs Conseils est intervenu en tant que maître d’oeuvre sur l’opération de confortement
du flanc ouest du bassin de Montredon à partir de la phase avant-projet jusqu’à la réalisation des travaux en partenariat avec ECR Environnement.
DONNÉES GÉOTECHNIQUES ET HYDROGÉOLOGIQUES
Le bassin de Montredon est implanté dans la partie sud-ouest de la Montagne Noire, et repose sur
la formation des calcaires lacustres de Montolieu et sur la série vitrollienne constituée de faciès fluviodeltaïques : argiles vertes et rouges à nodules ou niveaux carbonatés, lentilles et chenaux argilograveleux. Il repose donc sur une multicouche hétérogène en termes de granulométrie, de perméabilité et de compacité. Les couches argileuses situées à proximité de la base du bassin peuvent être le siège de ruptures préférentielles (couche savon).
ANALYSES DE STABILITÉ
La digue ouest du bassin de Montredon présentait des signes de premières instabilités qui pourraient
donner lieu à d’importants mouvements de masses sans intervention permettant de rétablir une
stabilité satisfaisante. Des instabilités étaient visibles au niveau de la partie sommitale et l’activité des
inclinomètres est preuve d’une certaine instabilité d’ensemble.
Une rétro-analyse de la stabilité de la situation avant travaux a été menée pour la partie sommitale et pour la stabilité d’ensemble en considérant un coefficient de sécurité minimal compris entre 1 et
1,5, représentatif des mouvements observés.
Le calcul de stabilité d’ensemble a été réalisé pour une surface de glissement plane dans la couche
d‘argile C4 où les déformations ont été observées sur les inclinomètres. Cela a permis d’ajuster les caractéristiques mécaniques de cette couche et d’avoir un modèle représentatif de la situation avant
travaux.
FAISABILITÉ ET CHOIX DE LA SOLUTION RETENUE – DIMENSIONNEMENT
Les travaux ont pour objectif d’obtenir une stabilité satisfaisante en tous points de la digue par apport d’éléments stabilisants. Deux solutions ont été étudiées afin de garantir la stabilité générale
du site, la mise en place d’une butée de pied et le renforcement par pieux.
La mise en place d’une butée de pied s’accompagne de contraintes administratives fortes pour l’acquisition de parcelles, de contraintes de durée de travaux importantes et d’un impact environnemental fort.
Le choix s’est donc porté sur la solution de renforcement par mise en oeuvre de pieux au niveau de
la plateforme intermédiaire de la digue. Ces pieux sont armés pour apporter une résistance au cisaillement permettant d’augmenter le coefficient de sécurité relatif à la stabilité d’ensemble du talus.
Les études ont conclu à la nécessité de mettre en place trois lignes de pieux armés d’un diamètre de 800 millimètres et d’une longueur de 23 mètres pour assurer un ancrage dans un horizon compact.
Pour la partie sommitale, une seule solution a été étudiée : elle consiste en une purge des matériaux instables et la mise en oeuvre d’un remblai en matériaux d’apport pour assurer la stabilité de la partie
haute de la digue. Ces travaux seront réalisés après la mise en oeuvre des pieux, car la stabilité générale doit être assurée prioritairement.
TRAVAUX DE BOTTE FONDATIONS
Botte Fondations est intervenue en tant que mandataire d’un groupement composé également de
VINCI Construction Terrassement. Plusieurs défis techniques ont dû être relevés par les équipes pour
mener à bien ce projet.
AU NIVEAU DES PIEUX
Le bureau d’études de Botte Fondations, dans un premier temps, s’est mobilisé pour adapter la conception globale de l’ouvrage et notamment le système de confortement par pieux. Un dispositif
de 86 pieux d’un diamètre de 1 000 millimètres et d’une longueur de 23 mètres a été proposé et
retenu. Ces pieux, réalisés en partie basse de la digue, ont donc pour objectif de clouer l’ouvrage dans
le terrain au-delà de la surface de glissement et ainsi de stopper son déplacement.
Pour réaliser ces pieux, Botte Fondations a décidé d’utiliser la technique de la tarière creuse.
Compte tenu de la nature très abrasive et résistante des terrains rencontrés, ce choix risqué a
imposé de sélectionner le matériel le plus adapté au chantier.
Les équipes ont donc mobilisé la foreuse Fundex 2800 aux caractéristiques impressionnantes : poids
équipé de 130 tonnes, couple de la table de rotation 50 T.m, équipement avec des tarières type III renforcées pour terrain dur, etc.
L’autre enjeu du chantier a été de mettre en oeuvre les armatures de près de 23 mètres linéaires dans
le béton frais sans rencontrer de refus prématurés de celles-ci. Nos experts mobilisés sur site dès la
phase de préparation de chantier ont permis de mettre au point la formulation de béton adaptée
aux contraintes de chantier : centrale à 45 minutes, températures estivales très élevées, rhéologie, etc.
L’ensemble de ces dispositions prises par les équipes sur chantier permettent à Botte Fondations de
relever le défi, de couler ainsi jusqu’à 150 m3 de béton et de poser 15 tonnes d’acier par jour.
RÉALISATION DES DRAINS
Le projet prévoyait aussi la réalisation de 20 drains de 30 mètres de longueur. Ces drains subhorizontaux ont pour objectif de réduire la pression interstitielle au niveau de la surface de glissement potentiel. Ils ont été réalisés par la technique du forage Odex. La méthode Odex permet de forer et de tuber simultanément des forages dans tous les types de formations.
La méthode est fondée sur l’utilisation conjuguée d’un taillant pilote et d’un aléseur qui forent ensemble un trou légèrement plus large que le diamètre extérieur du tube de revêtement. Le forage est ainsi tubé à l’avancement.
MISE EN PLACE DU REMBLAI SOMMITAL PAR VINCI CONSTRUCTION TERRASSEMENT
Par la suite, VINCI Construction Terrassement (VCT) intervient depuis la mi-septembre sur l’instabilité
de la tête de digue liée aux rechargements successifs par l’ancien exploitant. Pour cela, VCT retravaille la forme de la digue grâce à l’apport de matériaux et diminue ainsi les instabilités au
sommet. Près de 10 000 m3 de remblais sont ainsi mis en oeuvre et contribuent à la mise en sécurité
du flanc ouest du bassin de Montredon.
Laurence Arathoon
Chef de projets travaux et surveillance Département prévention et sécurité minière
Unité territoriale après-mine Sud du BRGM
Pierre Guérin
Chef de projets de Geos
Ingénieurs Conseils
Alexandre Thomazo
Ingénieur travaux de Botte Fondations