La création du nouveau quartier Tolbiac suppose la couverture des voies ferrées desservant la gare d’Austerlitz. SPIE FONDATIONS a achevé les 186 barrettes fondant les appuis de la dalle et des « immeubles ponts » fin juin. Terme d’un chantier dont les contraintes d’espace et de sécurité ont conduit à l’emploi de méthodes hors du commun. À commencer par la construction d’une estacade provisoire pour les seuls besoins de fondation de la file H.
L’aménagement du secteur Tolbiac, de la ZAC Paris-Rive gauche va bon train. Sur les îlots T4, T5 et T6, au sud de la Bibliothèque nationale de France, entre l’avenue de France et la rue du Chevaleret, la Semapa conduit une opération d’aménagement qui doit transformer radicalement le profil du quartier. L’espace occupé par les voies ferrées doit laisser place, d’ici mars 2019, à de nouvelles voiries traversantes, des promenades plantées et des « immeubles ponts » d’habitation et de bureaux. Construit en surplomb des voies ferrées, le futur quartier Tolbiac repose tout entier sur une dalle de couverture et sur des files d’appui, en cours de réalisation, sous la conduite d’Eiffage, entreprise mandataire du lot de génie civil. La fondation de ces files, confiée à l’entreprise Spie fondations, a nécessité la réalisation de 186 barrettes de 2,40 à 5 mètres de longueur.
186 BARRETTES RÉPARTIES SUR 5 FILES
Les 186 barrettes de fondation sont réparties sur 5 files de longueurs très variées : la file E (80 barrettes), la file J (46 barrettes), la file L (32 barrettes), la file A (26 barrettes) et la file H (2 barrettes). Toutes sont creusées à la rotoforeuse pour atteindre des profondeurs comprises entre 14 et 23 mètres.
« Le chantier ne présentait pas de difficultés majeures en termes de géotechnique ou de gabarit des ouvrages à réaliser. Sa complexité provient de la coactivité avec la circulation ferroviaire et des contraintes d’emprises particulièrement importantes », souligne Jolly Fèvre, directrice de travaux de Spie fondations.
L’exiguïté, constante des travaux en milieu urbain, prend ici une dimension spéciale.
En effet, l’entreprise a dû intervenir le plus souvent entre les voies ferrées en évitant tout risque pour
la sécurité de ses équipes. Ainsi, l’une des premières tâches a été d’ériger des écrans de protection
constitués de profilés de 10 mètres de hauteur avec panneaux en partie basse et filets en partie haute.
Ces écrans délimitent strictement la zone de travaux. Sur la même ligne, des blindages de 4 mètres
de profondeur complètent le dispositif afin d’éviter que les forages soient effectués dans une
zone critique pour la stabilité des voies. « Il nous a d’ailleurs fallu, durant tout le chantier, mettre en
place des dispositifs de mesure vibratoire et de contrôle de la géométrie des voies en vue de s’affranchir de tout risque d’affaissement du ballast », poursuit Jolly Fèvre.
UN PLANNING D’EXÉCUTION DICTÉ PAR LES TRAINS
Le séquençage des travaux est lui aussi dicté par le maintien en service des voies SNCF. Seules de brèves périodes de coupure de nuit permettant la réalisation de certaines phases de travaux ont été obtenues. D’une manière générale, le forage et le bétonnage sont effectués de jour, tandis que la pose des cages d’armature se fait de nuit. « Nous devions intervenir entre 0 h 30 à 4 h 20, soit en moins de 4 heures dans le meilleur des cas, bref, sur un temps limité, pour installer des cages pouvant atteindre 23 tonnes, et sans aucun droit à l’erreur puisqu’il fallait libérer les voies à l’heure fixée par la SNCF », se souvient en souriant Dominique Weiss, chef de chantier de Spie fondations.
L’une des grandes problématiques du chantier fut celle de l’approvisionnement. À l’exception de la
file A, dont les contraintes d’accès étaient moins importantes, chaque autre file présentait des difficultés particulières pour l’évolution des machines et l’alimentation en matériaux. Deux centrales de
bentonite ont été installées côté avenue de France et côté Halle Freyssinet, soit de part et d’autre
du faisceau de voies. La bentonite comme les bétons sont apportés à poste par des canalisations
cheminant sous les voies. « Les canalisations passent dans des tubes qui garantissent de ne pas
affecter la stabilité du ballast », intervient Maxime Hanot, ingénieur d’affaires de Spie fondations en
charge du chantier.
UNE ROTOFOREUSE À OUTILS ROTATIFS
Le cas de la file H déroge à tous les cas de figure. Là, les voies étaient si rapprochées qu’elles ne
permettaient pas l’installation des engins nécessaires à l’exécution des deux barrettes de fondations
soutenant un caisson métallique de 80 mètres supportant la dalle de couverture.
Pour résoudre la quadrature du cercle, l’entreprise a imaginé d’intervenir en surplomb des voies,
à partir d’une estacade provisoire construite au pied du pont Vincent-Auriol. Unique en France, la méthode supposait des travaux complémentaires s’inscrivant dans un planning serré. En premier lieu,
il s’agissait de créer une dalle capable de supporter le poids de l’estacade et de la rotoforeuse qui l’emprunterait. Après la purge de l’emprise et la construction de la dalle support, deux équipes de
forage ont réalisé les 20 micropieux d’un diamètre de 200 millimètres et de 28 mètres de profondeur.
Ces travaux ont mobilisé deux équipes de forage pendant plus de deux mois du fait de l’intervention
limitée à deux heures, quatre nuits par semaine. En temps masqué, pendant la construction
de la dalle et le montage de la charpente métallique formant l’estacade, Spie fondations mettait au point, dans son dépôt de Bernes-sur-Oise, le développement des matériels pour correspondre aux conditions de chantier. En effet, contrairement aux habitudes, le forage devait se faire dans l’axe longitudinal de l’estacade et de la machine. La rotoforeuse, dénommée HEVA, a ainsi adopté
un joint tournant autorisant la rotation de l’outil hydraulique.
UN CRÉNEAU DE 72 HEURES NON-STOP
Pour la réalisation des barrettes de la file H, la SNCF a alloué un créneau de coupure du faisceau
ferroviaire durant le week-end de la Toussaint : creusement, armature et bétonnage devaient ainsi
être impérativement exécutés en 72 heures. À 14 h 30, le 29 octobre 2016, le compte à rebours est
lancé. Les 140 tonnes d’HEVA s’élancent sur l’estacade, 6 mètres au-dessus des voies. Le creusement de la première barrette de 5,60 mètres de longueur et 22 mètres de profondeur commence. Pour soutenir les parois, l’excavation se fait sous boue bentonitique fournie par la centrale
de bentonite de l’avenue de France, raccordée par 250 mètres de canalisation. « Le forage a été perturbé par la présence d’une poche d’argile plastique de plusieurs mètres d’épaisseur. Cela nous a contraints à plusieurs reprises à sortir et à décolmater l’outil, normalement conçu pour creuser dans des terrains durs. Une opération difficile et fastidieuse qui a nécessité la mobilisation de tous », se remémore Morgane Goussu, conductrice de travaux de Spie fondations. « Nous avions anticipé la présence d’argile et avions effectué une fouille exploratoire à la pelle hydraulique jusqu’à 5,80 mètres. Or nous sommes tombés sur la couche d’argile à partir de 6 mètres, bien en deçà des profondeurs où nous l’avions rencontrée précédemment. Pour les files suivantes, nous avons modifié l’outil en adoptant un tambour aux dents plus écartées, moins sensible au colmatage », enchaîne Jolly Fèvre, directrice de travaux de Spie fondations.
La pose des cages d’armature a mobilisé deux grues mobiles de 120 tonnes. Pour la première barrette, la cage a été scindée en deux, puis liaisonnée afin de permettre sa mise en place. L’armature de la deuxième barrette a été réalisée en une seule opération. « Avec ses 23 tonnes, la cage était l’une des plus lourdes que nous ayons posées », intervient Dominique Weiss, chef de chantier de Spie fondations. Effectué en continu, le bétonnage a employé deux pompes à béton alimentant deux
tubes plongés simultanément au coeur de chaque barrette.
UNE MINI ROTOFOREUSE QUI CREUSE À 20 MÈTRES
Bien que moins spectaculaire, la file J a aussi été un point délicat du chantier du fait de la présence d’un tunnel souterrain longeant et réduisant l’emprise des travaux. Là, de plus, il s’agissait de
réaliser 46 barrettes de 2,40 mètres, 2,80 mètres et 3,20 mètres, requérant à chaque fois une machine distincte. Les rotoforeuses étant trop lourdes pour utiliser l’accès par l’avenue de France, elles ont dû
suivre un trajet complexe, empruntant la rue Watt, des passages à niveau, et se faufiler sous les ponts
avant que leur outil ne soit remonté in situ.
HEVA était chargée des barrettes les plus longues. La BC 40, machine de 32 tonnes, associant un outil Bauer à un porteur Liebherr, a été mise en oeuvre pour les barrettes de 2,80 mètres. Enfin, Spie fondations a fait appel à une « mini-machine » de 7,5 tonnes pour les barrettes les plus étroites. « La rotoforeuse japonaise est montée sur le porteur d’une machine à pieux européenne, transformée par le service Matériels, notamment en ajoutant une pompe supplémentaire pour évacuer les résidus
de forages », précise Dominique Weiss, chef de chantier. « Limitée à une largeur d’intervention de 60 centimètres, La MTX a foré les barrettes de 1,20 mètre d’épaisseur en deux passes. Elle travaillait
perpendiculairement au sens des barrettes, contrairement à ce qui se fait habituellement », ajoute Jolly
Fèvre, directrice de travaux de Spie fondations, dont le chantier a mobilisé 30 personnes par jour en
moyenne pour une durée de 18 mois. Les dernières machines ont quitté la zone de travaux début juillet, dans les délais contractuels.
Philippe Morelli