Le bruit est partout, et tout particulièrement au niveau de nos aires urbaines qui ne cessent de s’accroître. Traditionnellement, on entend par « bruit » l’ensemble des sons parvenant à nos oreilles (bruit aérien et solidien). Or il ne s’agit là que d’une partie du « bruit ». Explications avec Simon Robert, responsable du développement chez Sixense Geophysics.
Une grande partie du bruit généré par un ensemble de sources, telles que l’activité humaine ou terrestre, transite par le sol. Ces ondes mécaniques, qui peuvent être mesurées en surface à l’aide de capteurs de type géophone ou accéléromètre, contiennent donc en leur sein un grand nombre d’informations sur les couches de sol traversées. L’analyse de ces ondes mécaniques transitant dans le sol est à la base d’une discipline majeure de la géophysique : la sismologie. Son objectif final est de réaliser une imagerie du sous-sol à partir de la variation de la vitesse de transmission de ces ondes dans le sol. C’est le même procédé qui est employé dans le domaine médical lors d’une échographie ou d’un scanner.
Initialement, la sismologie reposait sur la génération d’un bruit maîtrisé (source), énergétique et impulsionnel, facilitant sa distinction vis-à-vis du « bruit ambiant » et, par là même, le traitement des signaux obtenus (sismogrammes).
Ce bruit ambiant, défini en introduction, est en réalité composé par un ensemble de sources de bruit (activité humaine, terrestre, etc.). Son existence a longtemps été considérée comme un facteur limitant en sismologie (problématique du rapport signal/bruit), empêchant de distinguer au travers de cet agrégat la signature de la source voulue et maîtrisée.
Depuis peu, l’évolution des technologies et des moyens de traitement a permis de se pencher plus en détail sur ce fameux
« bruit ambiant ». Ainsi, l’idée d’exploiter ce contenu, libre
d’accès et continu, plutôt qu’une source générée, a commencé à germer et s’est finalement révélée être une petite révolution dans le milieu.
LE CONTEXTE INITIAL
C’est dans le cadre des travaux du Grand Paris Express, pour l’extension de la ligne 14 nord, que Sixense Geophysics a pu mettre en oeuvre, de manière expérimentale et pour la première fois dans le domaine du génie civil, cette méthodologie dénommée « Sismique sans source ».
En effet, l’impact de ces travaux (tel que le passage d’un tunnelier en profondeur) peut se traduire par des phénomènes de remontées de fontis, de tassements de surface ou encore d’arrivées d’eau massives. La maîtrise de ces phénomènes correspond à l’enjeu majeur propre au monde des travaux souterrains qui est la sécurisation et l’optimisation du projet par une connaissance accrue du sous-sol et de son évolution dans le temps.
UNE TECHNOLOGIE DE POINTE
C’est dans ce contexte que la « sismique sans source » est un réel avantage. Dans un milieu urbain peu accessible aux moyens traditionnels d’étude de sol (forages destructifs), les capteurs utilisés peuvent s’implanter partout, et ce, sans contrainte. En effet, ces derniers fonctionnent de manière autonome sur batterie (jusqu’à 1 mois d’autonomie, facilement extensible), stockent les données acquises sur la mémoire interne et communiquent entre eux par le biais des réseaux sans fil (GPS, wi-fi, Bluetooth).
Cette souplesse d’utilisation permet donc de les insérer partout : dans des terre-pleins centraux, des jardins de copropriétés, ou encore semi-enterrés dans les parterres de fleurs d’un cimetière !
DES RÉSULTATS PROBANTS SOUS FORME D’AIDE À LA DÉCISION
Une fois ces données acquises et transférées à travers le réseau de capteurs autonomes, elles sont traitées et analysées via un processing complexe pour en extraire deux formes distinctes de résultats : une forme statique à travers une imagerie 3D haute résolution du sous-sol sur une période donnée. Cette forme pourrait se traduire par la réalisation d’une « photographie du sous-sol » à un instant T ; une forme active à travers un monitoring du sous-sol, c’est-à-dire une mesure des variations de compacité du sol dans le temps selon une fréquence déterminée.
La forme statique représente la répartition des vitesses sismiques dans le sol de manière volumique. La vitesse sismique est un paramètre physique directement lié à la raideur du matériau ; ce même paramètre est couramment
utilisé dans le domaine de la
géotechnique (notamment pour les normes parasismiques type Eurocode 8 et le paramètre Vs30) pour être traduit en termes de modules dynamiques (module de Young, module de cisaillement, coefficient de Poisson).
Autre avantage : il est possible d’établir de nouvelles imageries 3D du sous-sol sur différentes périodes de temps, et ce, sur le même réseau de capteurs déjà installé. Pour traduire cet avantage en termes pratiques, il est possible de réaliser une « photographie du sous-sol » avant un événement prévu dans le sous-sol, puis de comparer ces résultats avec une autre « photographie »
obtenue après que cet événement se sera déroulé.
La forme active des résultats, connue sous le terme de « monitoring », offre quant à elle une visualisation planaire de l’évolution (positive ou négative) des vitesses sismiques en pourcentage dans le temps.
Ces évolutions peuvent donc traduire des phénomènes d’augmentation de la raideur des sols ou
de détériorations de cette der-nière (fracturations, décompressions, fontis, etc.).
La fréquence d’acquisition et de traitement de la donnée est ici un élément-clé qui va dépendre de l’efficacité du processus de traitement (rapport temps / précision).
À l’heure actuelle, la visualistion des résultats est obtenue a posteriori,
c’est-à-dire après que les événements se sont déroulés. Ces derniers peuvent être présentés sous
la forme d’images dynamiques type film.
QUEL AVENIR ?
La méthode présentée et appliquée pour la première fois au domaine des travaux souterrains, et plus généralement au domaine du génie civil, donne des résultats particulièrement probants et permet de recomposer avec précision la nature du sous-sol, avant et/ou après événements particuliers.
Les avantages correspondent bien évidemment au caractère non intrusif (base de la géophysique), à l’utilisation de capteurs autonomes et mobiles, et bien sûr à l’utilisation du fameux bruit de fond, habituellement considéré comme une contrainte.
Les premières expérimentations confirment le potentiel de la méthode, et Sixense Geophysics et ses partenaires réfléchissent déjà aux nombreuses applications et déclinaisons possibles.
L’ensemble des étapes de la méthode peuvent être améliorées, de l’acquisition à la valorisation de la donnée, en passant par le processing et l’interprétation, sans oublier le développement du volet temps réel.
C’est ainsi l’ensemble des savoir-faire du groupe Sixense qui est mis à contribution pour poursuivre le développement de ce projet ambitieux.
Le bruit n’a pas fini de faire parler de lui !