Depuis l’été dernier, le repérage amiante avant travaux est devenu obligatoire dans tous les bâtiments construits avant 1997. Désormais, particuliers et professionnels sont dans l’obligation de systématiquement procéder à ce repérage avant
la réalisation de travaux afin d’assurer la sécurité et la santé des occupants et des intervenants sur le chantier.
L’arrêté du 16 juillet 2019 « relatif au repérage de l’amiante avant certaines opérations réalisées dans les immeubles bâtis » est en effet paru. Attendu par les professionnels depuis plusieurs mois, il vient ainsi consolider le décret du 9 mai 2017 qui rendait effective l’obligation de repérage amiante avant travaux (RAT).
Cet arrêté précise donc les modalités de réalisation du repérage, le contenu du rapport, les mesures à mettre en oeuvre en cas d’impossibilité de réaliser le repérage, les compétences de l’opérateur de repérage, etc.
Fini le perçage, le ponçage ou le remplacement d’une faïence sans connaître la nature des matériaux présents dans son habitation. Désormais, lors de travaux dans une maison, dans un immeuble d’habitation collective, dans un bâtiment tertiaire ou autre, le propriétaire, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre devra faire réaliser un RAT portant sur le périmètre et le programme exact des travaux, et faire intervenir des entreprises qui respectent leurs obligations en matière de prévention du risque amiante (« Sous-section 4 » du Code du travail) et de protection de leurs collaborateurs.
L’AMIANTE, UN RISQUE SANITAIRE SOUS-ESTIMÉ
L’amiante est considéré comme un risque sanitaire majeur pour les travailleurs. L’amiante touche tous les domaines professionnels (bâtiment, génie civil, industrie, maritime, aéronautique, ferroviaire, etc.).
Selon une étude publiée il y a 2 ans par le Haut Conseil de la santé publi-que (HSCP), près de 100 000 décès pourraient être imputés à une exposition professionnelle à l’amiante entre 2009 et 2050. L’amiante est même considéré comme la deuxième cause de maladie professionnelle et la première cause pour les décès ayant pour origine une maladie professionnelle. Enfin, cette étude montre
également que 110 000 salariés sont exposés chaque année à des fibres d’amiante. Et les professionnels ne sont pas les seuls ; chaque citoyen est concerné dans son lieu d’habitation, son lieu de travail ou les services publics qu’il peut fréquenter.
Depuis son interdiction dans la construction depuis le 1er janvier 1997 en France, 230 000 t d’amiante ont été retirées jusqu’en 2018 dans les bâtiments. À ce rythme, il faudra 100 ans pour débarrasser les constructions de ce matériau, exceptionnel pour ses performances et son faible coût, mais extrêmement dangereux pour la santé. Mais le désamiantage n’est pas toujours possible, ou économiquement viable dans les projets de travaux… L’objectif de cette dernière consolidation réglementaire est de donner un cadre sécuritaire aux interventions ou aux travaux dont le but immédiat n’est pas le désamiantage, mais qui sont susceptibles de provoquer l’émission de fibres d’amiante. Le gain en termes de prévention du risque amiante est très fort ; charge aux professionnels et maîtres d’ouvrage de s’en emparer avec détermination afin qu’il puisse être pleinement efficace.
Il y a urgence !
DÉCRYPTAGE DE LA RÉGLEMENTATION, PAR JULIEN NIDRECOURT, DIRECTEUR TECHNIQUE
D’AC ENVIRONNEMENT
Avec la parution du décret du 9 mai 2017 « relatif au repérage de l’amiante avant certaines
opérations », puis son décret modificatif de 2019 qui a rééchelonné le calendrier d’application, le repérage des matériaux et produits contenant de l’amiante avant travaux devient obligatoire dans tous les bâtiments construits avant le 1er janvier 1997. Ce décret d’application va désormais impacter à la fois le particulier et le professionnel, mais à des degrés différents.
Le particulier se verra dans l’obligation de remettre à l’artisan ou à l’entreprise un rapport de repérage amiante avant travaux portant sur le périmètre et le programme exact des travaux projetés. Plus exigeant que le dossier technique amiante (DTA), le dossier amiante – parties privatives (DAPP) ou que le constat amiante produit lors de la vente d’un bien (dans ces trois cas, les investigations ne sont pas destructives et portent uniquement sur des listes de matériaux « fermées »), ce repérage avant travaux couvre tout l’éventail des matériaux et produits susceptibles de contenir de l’amiante, du moment qu’ils sont impactés par les travaux, et repose sur des investigations approfondies destructives (pour pouvoir identifier tous les matériaux ou produits composant un ouvrage, tels que les colles, ragréages, chapes maigres, etc.). Avec cette obligation, le législateur entend ainsi sensibiliser le particulier au risque qu’il court, ainsi que sa famille.
Quant aux entreprises du BTP et aux entreprises propriétaires de patrimoine bâti, en matière de risque professionnel, elles sont tenues à une obligation de sécurité et de résultat dans la protection de la santé de leurs salariés. Désormais l’intervention d’un professionnel dans un bâtiment contenant de l’amiante s’effectuera dans le cadre de la « Sous-section 4 » du Code du travail, encadrant très précisément les obligations de l’employeur en matière de prévention du risque amiante. Celle-ci détermine les obligations du chef d’entreprise en matière de prévention et de protection de ses collaborateurs qui interviennent sur des chantiers pouvant entraîner l’émission de fibres d’amiante (exemple : percement d’un mur revêtu d’enduit plâtre amianté pour fixer des appareillages électriques). Elle comporte des obligations en matière de gestion des déchets amiante, de suivi de l’exposition des salariés, de choix et de maintenance d’équipements de protection, de rédaction de procédures (modes opératoires), de formation…
Cette obligation va également impacter le marché dans son ensemble. Côté particulier, le diagnostiqueur peut prendre toute sa place auprès de celui-ci qui le sollicite en lui apportant un conseil quant aux critères pour bien choisir les prestataires qui réaliseront les travaux (Est-il formé ? Équipé ? A-t-il des modes opératoires adaptés aux travaux ? etc.).
Pour l’entreprise, celle-ci sera de notre point de vue la première impactée par cette évolution. Les entreprises réellement conformes à la « Sous-section 4 » sont peu nombreuses sur le marché aujourd’hui, et de nombreuses opportunités vont s’ouvrir à elles, notamment dans le cadre d’appels d’offres, pour lesquels les maîtres d’ouvrage vont très nettement augmenter leurs exigences.
Aude Moutarlier en collaboration avec AC Environnement