L’acte de construire est une opération dont la noblesse et la complexité ne sont plus à démontrer. C’est un concentré de différents savoir-faire qui se vérifie particulièrement s’agissant des professionnels qui travaillent la terre, leurs interventions se concentrant sur l’interaction entre les sols de fondation et la structure de la construction. Or, pour travailler la terre,
il faut d’abord bien la connaître. Géotechniciens, foreurs,
entreprises de fondations, sont conscients de cette exigence.
Cette spécificité n’en constitue pas moins un véritable enjeu pour les assureurs qui, bien qu’ayant vocation à garantir les aléas de la construction, se montrent réservés quant aux activités en prise directe avec les éléments naturels. Mais comment expliquer cette situation à l’égard de professionnels, pourtant hautement qualifiés ?
Paradoxalement, les éléments de réponse ne sont pas forcément imputables aux premiers concernés. Au contraire, ils se rattachent davantage à la relation entre les différents acteurs du chantier et à leur communication entre eux, qui n’est pas toujours efficiente ni même équilibrée lorsqu’elle n’implique pas suffisamment les sous-traitants. S’ajoute à cela un environnement assurantiel qui restreint le pluralisme en matière d’offres de garanties et crée un rapport de forces défavorable aux entreprises. Il faut d’ailleurs savoir à ce propos qu’après l’assurance agricole, l’assurance construction est la plus concentrée du marché. C’est ainsi que dix groupes représentent 90 % du marché, et cette tendance se confirme avec le désengagement total de certaines sociétés.
L’assureur est là pour couvrir les imprévus du chantier, et c’est son rôle essentiel, mais il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit d’une entreprise privée et commerciale qui surveille de près son portefeuille, quitte à envisager des solutions radicales lorsque le rapport entre prime perçue et coût sinistres ne lui paraît plus viable.
La priorité pour les acteurs de la construction et leurs courtiers est donc de conserver une couverture d’assurance optimale pour un montant de prime raisonnable, cela va de soi. Rappelons, en outre, que sans assurance décennale l’exercice d’une activité de construction est pénalement condamnable.
LE DEVOIR DE CONSEIL OBLIGE
Cette priorité implique de maîtriser sa gestion des sinistres, d’avoir une visibilité réaliste sur les risques encourus et de savoir tirer parti des retours d’expérience. C’est à ce prix qu’il devient possible de réaliser une véritable prévention des risques et, à terme, d’améliorer le rapport sinistre/prime.
Pour autant, tous les paramètres à gérer sur un chantier ne sont pas aisément maîtrisables, à commencer par ceux qui dépendent d’autrui. L’information est précisément au coeur de cette problématique. Une insuffisance dans son contenu ou dans sa diffusion peut concourir notablement à la survenance du sinistre.
L’information répond du devoir de conseil des constructeurs, comme l’a rappelé la Cour de cassation dans un arrêt du 27 janvier 2010 : « Tout professionnel de la construction est tenu, avant réception, d’une obligation de conseil et de résultat (Civ. 3e ch., audience publique du mercredi 27 janvier 2010).»
Le devoir de conseil, c’est informer, s’informer, donner connaissance d’un fait… Le professionnel,
du fait de sa connaissance technique, ne peut intervenir sans avoir préalablement informé son client
sur la nature de son intervention, sur ses choix techniques ainsi que sur les conséquences de ces choix et les risques qui peuvent en résulter.Ainsi, une entreprise de fondations expose sa responsabilité en ne conseillant pas une étude de sol.
IL FAUT ENVISAGER ET ANTICIPER LES PROBLÈMES ÉVENTUELS
S’informer, c’est donc se renseigner suffisamment sur les contours de la mission confiée, s’interroger sur les contraintes d’un chantier, notamment celles tenant aux existants, aux avoisinants, à la présence de réseaux.
Pour une entreprise de fondation, cela revient par exemple à s’assurer que le propriétaire du terrain
voisin du chantier a bien autorisé le maître d’ouvrage à implanter provisoirement des tirants dans son
tréfonds.
De la même façon, un géotechnicien se voit confier une analyse de sols : son client qui lui avait remis deux échantillons de terre dans deux bocaux distincts, non étiquetés, lui reproche d’avoir mélangé l’ensemble et d’avoir procédé à une analyse unique. Cette affaire a donné lieu à un contentieux judiciaire au cours duquel le client ne manqua pas d’alléguer qu’il appartenait au bureau d’études de se renseigner sur les raisons de sa mission.
LA SOUS-TRAITANCE CRÉE UN DÉSÉQUILIBRE
Dernier maillon de la chaîne d’un chantier, le sous-traitant apparaît comme un intervenant faible auquel l’information ne parvient pas toujours. Il reçoit les informations de l’entreprise générale et non
pas du maître d’ouvrage, ni du maître d’oeuvre, de sorte que certaines
caractéristiques du chantier peuvent lui échapper (documents urbanistiques…). Ce déséquilibre, dans la circulation de l’information, peut être générateur de difficultés sérieuses, les sinistres affectant les
réseaux enterrés en témoignent.
Chaque année, on dénombre plus de 100 000 endommagements de réseaux lors de travaux, dont 4 500 sur les seuls réseaux de distribution de gaz, soit parce que les plans remis n’étaient pas à jour, soit parce que leur interprétation n’a pas été correcte ou qu’elle n’a pas été communiquée à tous.
C’est le cas par exemple d’un terrain à bâtir, annoncé libre de toute servitude alors qu’en réalité le
réseau électrique n’a pas été dévoyé.
RESPECTEZ STRICTEMENT LES TERMES DE VOTRE PRESTATION
Nous rappelons que la réglementation en vigueur a pour principal intérêt de responsabiliser davantage les maîtres d’ouvrage (décret n°2011-1241 du 5 octobre 2011). En cas de données de localisation de réseau insuffisamment précises, il appartient en effet à celui-ci, conseillé par le maître d’oeuvre, de diligenter les investigations nécessaires.
L’entreprise de fondations ne doit en aucun cas effectuer des fouilles : ce serait se substituer au maître d’ouvrage et prendre un risque considérable dans l’éventualité d’une conduite de gaz se trouvant dans l’emprise du projet.
Un chantier doit démarrer uniquement si les conditions de sécurité sont réunies. Si entreprendre c’est prendre des risques, encore faut-il qu’ils soient appréhendés dans la limite de ses compétences. C’est à ce prix que le courtier, à l’appui des garanties de l’assureur, pourra soutenir les intérêts de son assuré, lui permettant ainsi d’envisager avec sérénité son avenir et la pérennité de son entreprise.
Pour un courtier, cette relation se conçoit comme un partenariat à part entière, pour la réussite de l’activité de son client. Ne manquez donc pas de l’associer à vos réflexions et de solliciter ses conseils de professionnel !
Olivier Thyarion
Directeur technique Construction pour le groupe Gritchen Assurances