La construction des gares de métro souterraines du Grand Paris implique la réalisation d’enceintes étanches de type parois moulées. Les profondeurs des gares sont telles que les parois moulées deviennent également de plus en plus profondes et épaisses, jusqu’à 75 mètres de profondeur, avec une épaisseur allant jusqu’à 1 800 millimètres pour des profondeurs de terrassement de plus de 50 mètres, à l’instar de celles réalisées pour les ouvrages de la ligne 15 sud, ce qui ne s’était jamais fait en France.
La principale difficulté dans la réalisation de parois moulées très profondes
réside dans la réussite à obtenir une bonne continuité entre les panneaux de parois, garantie
d’une bonne étanchéité vis-à-vis de la nappe extérieure.
Plusieurs méthodes existent pour la réalisation des joints de panneaux de parois moulée (remordu, tubejoint, porte-joint waterstop) et la méthode retenue par la Société du Grand Paris est la mise en place de porte-joint waterstop sur toute la profondeur de la paroi moulée.
Outre le fait qu’il sert de support au joint waterstop, la principale utilité du porte-joint est de guider l’outil de forage pour assurer une continuité avec le panneau adjacent déjà bétonné.
La difficulté technique ne consiste pas à mettre en place ces portejoints dans le forage, mais plutôt à
les en extraire après bétonnage. La difficulté est d’autant plus grande si les panneaux de parois ne sont pas alignés, comme c’est le cas des parois circulaires.
La complexité réside dans le décoffrage du porte-joint, car il est enrobé de béton : il peut être légèrement décalé ou orienté par rapport au forage adjacent, ou le forage peut s’éloigner du porte-joint, et ces problèmes s’amplifient avec la profondeur.
Par conséquent, décoffrer le porte-joint peut s’avérer un véritable casse-tête.
Pour anticiper cette problématique et dès la phase de réponse aux appels d’offres de la société
du Grand Paris, Sefi-Intrafor, a axé sa recherche sur des méthodes d’extraction des porte-joints en vue de la réalisation de ces ouvrages profonds. Les procédés habituels qui fonctionnaient à profondeur moyenne ne fonctionnent plus. Le schéma de la figure 6 (p. 36) rappelle
le procédé d’utilisation des porte-joints dans les parois moulées circulaires avec la mise en place d’une cale triangulaire.
L’outil de forage benne ou cutter réalise une première passe. Une fois la passe terminée, on insère dans le forage le porte-joint équipé d’une cale de compensation ainsi que les armatures, puis le panneau est bétonné. Après prise du béton, un forage est réalisé contre le porte-joint qui sert de guidage à l’outil. Une fois le forage terminé, le porte-joint est extrait du forage (décoffré), puis on procède à l’équipement du panneau (pose du porte-joint, des armatures) puis bétonnage du panneau. Généralement, le béton vient contourner, donc enrober le porte-joint. Il peut devenir compliqué de forer contre le porte-joint à cause du béton.
L’objectif de la pose de la cale de compensation est donc de :
protéger le porte-joint du béton, pour faciliter le forage et le décoffrage ;
donner un angle au porte-joint pour qu’il se retrouve perpendiculaire à la passe suivante.
La méthode usuelle à faible profondeur (de 10 à 30 m) consistait à utiliser une cale en polystyrène ou en carton alvéolaire, mais, à de telles profondeurs, ces matériaux ne résistent pas à la pression de la boue et subissent une importante poussée d’Archimède.
Les blocs triangulaires se décrochent du porte-joint, ou bien se déforment excessivement sous l’effet de la pression.
De ce fait, le béton vient enrober le porte-joint, et ce dernier s’oriente jusqu’à ne plus être perpendiculaire à l’axe du forage suivant. L’idée était donc de trouver un nouveau matériau capable de répondre au mieux aux exigences techniques des grandes profondeurs.
ESSAI D’UN NOUVEAU PRODUIT
Nous avons profité de notre essai de forage à 100 m à notre dépôt pour tester l’extraction d’un porte-joint de 67 m, un nouveau produit qui existe dans le commerce. Il s’agit d’une cale triangulaire en polypropylène de résistance 60 t/m2 constituée d’alvéoles de 50 mm de diamètre.
Ce matériau est à l’origine utilisé pour alléger les remblais qui se trouvent au-dessus de structures enterrées en béton. Lors de l’essai, un bloc a été rendu étanche intérieurement et a été plongé à 70 m de profondeur dans la boue bentonitique. À la remontée du bloc, ce dernier était toujours rempli d’air ; il s’était très peu déformé sous une pression de 80 t/m2. Nous l’avons coupé en forme triangulaire et fixé sur 67 m de porte-joint : ainsi le porte-joint a été décoffré
sans difficulté.
APPLICATION SUR NOS CHANTIERS DU GRAND PARIS
Avec le concours de notre fournisseur, nous avons étudié la possibilité de réaliser les découpes triangulaires directement en usine, ce qui facilite grandement la préparation sur le chantier. Nous pouvons aujourd’hui faire fabriquer des blocs triangulaires avec n’importe quel angle, pour des parois moulées d’épaisseur 600 à 1800 mm, avec des blocs qui mesurent jusqu’à
2,40 m de hauteur. Nous l’avons dons mis en oeuvre sur les ouvrages de la ligne 15 sud (gare Saint-Maur-Créteil, gare Champigny-Centre et ouvrages annexes) où nous mettons en place des porte-joints de 40, 56 et 69 m de profondeur.
Les particularités de ce produit qui assurent son bon fonctionnement sont les suivantes :
il se remplit de boue bentonitique ;
on constate que les morceaux ressortent systématiquement vides, prouvant ainsi que le béton ne
s’introduit pas ;
la présence de la boue dans les alvéoles empêche l’introduction de la laitance du béton, et les alvéoles de 50 mm empêchent les granulats de s’introduire dans les alvéoles par effet de voûte ;
ZOOM TECHNIQUE
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Synoptique de pose et d’extraction du porte-joint.
Fig. 6 - Synoptique de pose et d’extraction du porte-joint dans les parois circulaires.
l’avantage de ce produit est également qu’il possède un taux de vide de 95 %. 1 m3 pèse 30 kg ;
de ce fait, la poussée d’Archi-mède est très faible, et les panneaux alvéolaires ne risquent donc pas de se décrocher du porte-joint, comme c’était le cas avec les matériaux carton ou polystyrène qui sont des matériaux pleins ;
léger, il est extrêmement facile à manutentionner à la main, n’alourdit pas le porte-joint, et s’y fixe sans difficulté ;
ce matériau est assez flexible et non cassable ; ainsi, il ne risque pas de se détériorer au contact du sol lorsque le porte-joint est descendu dans le forage.
Ce matériau est facilement forable à la benne et au cutter – les tambours du cutter arrivent à le déchiqueter en petits morceaux avant passage dans la pompe à boue : de ce fait, le matériau ne bouche pas les conduites de boue. La sortie des morceaux à la centrale de traitement des boues indique que l’outil de forage est bien contre le porte-joint. Ainsi le décoffrage des porte-joints est beaucoup plus rapide et le risque de le coincer est quasi nul sous réserve de bien positionner le porte-joint.
Ce procédé de cale de compensation pour paroi moulée a été breveté par Sefi-Intrafor en septembre 2017. L’entreprise utilise ce produit sur l’ensemble de ses chantiers, aussi bien pour des parois circulaires que pour des parois planes, dès lors que le porte-joint excède 40 m de profondeur.
Frédéric Lamotte
Directeur grands projets
Sefi-Intrafor