Au cours du XXe siècle, le développement de l’activité humaine, notamment industrielle, a pour effet négatif une dégradation des milieux. La réglementation française s’est adaptée afin d’encadrer les impacts sanitaires et environnementaux, d’abord dans le domaine industriel qui notamment oblige les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) à une surveillance préventive des émissions et des effets de l’activité. Dans la continuité, la méthodologie nationale de gestion des sites pollués, actualisée en avril 2017, précise, quant à elle, les éléments à considérer pour évaluer l’impact d’une pollution et le risque sanitaire associé, ainsi que les mesures à prendre pour rétablir la situation.
Lorsque le sol est pollué, l’eau souterraine constitue l’un des premiers milieux concernés par la migration de la pollution. Le milieu « eaux souterraines » est par nature un milieu particulier, à la fois milieu de transfert et enjeu à protéger, en particulier pour l’alimentation en eau potable.
Le retour d’expérience montre que les pollutions historiques ou récentes, dans la mesure où elles sont connues et localisées, ne sont pas des obstacles à la conduite d’une activité industrielle ou d’un projet d’aménagement. Aussi, l’enjeu premier est de les identifier, de connaître les polluants, de délimiter leur étendue aussi bien en surface qu’en profondeur.
La caractérisation de la qualité des eaux souterraines doit se faire par des outils et méthodologies fiables afin de limiter les déconvenues.
Il s’agit donc d’anticiper la problématique afin qu’elle ne devienne pas un obstacle à la réalisation des projets.
Tenant compte de l’importance du milieu eaux souterraines et des enjeux pour les sites industriels en activité ainsi que les projets d’aménagement visant à reconquérir des friches, la révision des normes techniques encadrant les investigations de ce milieu est apparue nécessaire. Par rapport aux anciens documents (datant de 1999 et 2000), les normes éditées en décembre 2017 intègrent les évolutions techniques acquises par de nombreux programmes de recherche. Elles se basent également sur le retour d’expérience des professionnels, et notamment des donneurs d’ordres.
MISE EN PLACE D’UN PIÉZOMÈTRE SUR UN SITE POTENTIELLEMENT POLLUÉ – NORME AFNOR NF X 31-614 ET ÉTUDES ANNEXES
Le piézomètre est un ouvrage qui donne accès à la nappe tout en permettant de contrôler la qualité de l’eau souterraine et de suivre son évolution. Il est donc essentiel à la surveillance et à la gestion d’une pollution. L’attention portée à sa conception ainsi qu’à son entretien conditionne la qualité des mesures et de l’échantillonnage effectués. La norme NF X 31-614 propose aux utilisateurs les différentes options techniques pouvant être mises en oeuvre pour la réalisation d’un piézomètre sur un site pollué. Par rapport à l’ancienne version de cette norme, au-delà des aspects techniques, la « philosophie » générale insiste désormais sur la nécessité de prendre en compte la spécificité de chaque site, sur leur contexte hydrogéologique comme sur l’origine des pollutions (actuelles ou passées). Cette prise en compte du contexte est en lien avec les missions détaillées dans la norme NF X 31-620-2 et notamment la mission globale CPIS (conception d’un programme de surveillance).
Ainsi, la réalisation d’une étude préalable permet d’adapter le réseau de surveillance au contexte en définissant le nombre et la position des piézomètres, leurs profondeurs et leurs équipements (diamètre et nature du tubage, hauteur des crépines, etc.).
Cette étude préalable permet également de proposer en amont la méthode de prélèvement la plus adaptée à la problématique, concernant le matériel, le protocole, etc. en lien avec la norme
NF X 31-615.
La nécessité d’une étude préalable se traduit notamment sur la vigilance à adopter en cas d’aquifères superposés.
Ce type d’aquifère est constitué de plusieurs nappes séparées entre elles par un (ou des) horizon(s) imperméable(s).
Le piézomètre ne doit pas permettre le prélèvement simultané dans plusieurs aquifères distincts superposés. Le risque serait que les eaux d’une nappe superficielle potentiellement polluée viennent contaminer celles des nappes plus profondes par la mise en place du piézomètre.
Ainsi, si l’objectif est d’échantillonner la nappe la moins profonde (nappe superficielle), il est nécessaire de connaître la profondeur de l’horizon imperméable afin d’éviter de le traverser. Si l’objectif est d’échantillonner une nappe plus profonde, des techniques pour isoler la nappe superficielle sont à mettre en oeuvre, notamment par tubage à l’avancement avec double cimentation.
Plus généralement, la profondeur des piézomètres est un facteur important à prendre en compte pour la bonne représentativité d’un échantillon d’eau souterraine. En effet, les usages font que la grande majorité des piézomètres se limitent à une profondeur de 10 m, probablement en raison du seuil de déclaration au titre du Code minier*. La norme indique clairement que la profondeur d’un ouvrage doit être déterminée en fonction, certes, de l’aquifère, et principalement de la cote du niveau imperméable qui le délimite en profondeur, mais également de sa distance par rapport à la source de pollution et de la nature des substances recherchées. L’objectif ici est que le piézomètre recoupe le panache de pollution recherché. Ainsi, dans le cas où sur un site donné la pollution est liée à la présence de composés dits « plongeants » (par exemple de type DNAPL), il convient de prévoir un ouvrage dont la profondeur prend en compte l’intégralité l’épaisseur de l’aquifère, jusqu’au substratum.
La nouvelle version de cette norme intègre les évolutions techniques et les retours d’expérience des différents acteurs. Dans son rapport de 2016 réalisé en complément de la norme, l’Ineris a réalisé une enquête auprès des donneurs d’ordre (privés ou publics) destiné à recueillir avis et retours d’expérience sur les pratiques en lien avec les piézomètres.
« RÉALISATION DE PIÉZOMÈTRES DANS LE DOMAINE DES ICPE ET/OU DES SITES
POLLUÉS : ÉTAT DES LIEUX ET RECOMMANDATIONS » (DRC-15-149803-08033A), MAI 2016, RÉDIGÉ PAR L’INERIS POUR LE MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT DE L’ÉNERGIE ET DE LA MER
En complément, l’Ineris a récemment mis en ligne une vidéo (https://www.youtube.com/watch?v=
xQWrKslz5h0) à l’attention des acteurs du domaine des installations tions classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et des sites pollués, afin d’illustrer les bonnes pratiques concernant la réalisation d’un piézomètre. Les bonnes pratiques à mettre en oeuvre sont donc présentées et illustrées dans ce film, suivant les recommandations de la norme NF X 31-614 (2017).
PRÉLÈVEMENT ET ÉCHANTILLONNAGE D’EAUX SOUTERRAINES SUR UN SITE
POTENTIELLEMENT POLLUÉ – NORME AFNOR NF X31-615 ET ÉTUDES ANNEXES
Une fois le réseau de piézomètre en place, la réalisation du prélèvement d’eau et la confection des échantillons, aussi bien dans la méthodologie que dans le matériel employé, est primordial pour l’acquisition d’une donnée fiable, reproductible et pouvant être interprétée.
Il comprend des mesures sur la nappe (niveau piézométrique, flux, paramètres physico-chimiques, etc.), une purge de l’ouvrage, dans l’objectif d’obtenir un échantillon représentatif de la nappe, puis la confection des échantillons destinés aux analyses en laboratoire.
La norme NF X 31-615 détaille ces étapes en proposant différentes méthodologies.
Elle propose notamment une distinction selon trois approches différenciées pour l’échantillonnage :
pour la caractérisation (cas d’un diagnostic), pour le suivi (cas d’une surveillance à fréquence donnée d’un site industriel ou suite à une réhabilitation par exemple), et pour la réalisation de l’Interprétation de l’état des milieux, en vue de vérifier la compatibilité de l’état des eaux souterraines avec un usage (arrosage, irrigation, consommation humaine, etc.).
Parmi les principales évolutions par rapport à l’ancienne version de cette norme, la mise à jour insiste sur la définition de la stratégie de prélèvement. En accord avec la norme NF X 31-614, le protocole de prélèvement et d’échantillonnage doit être défini en fonction des objectifs à atteindre et adapté aux caractéristiques de l’aquifère et aux substances à analyser.
Ainsi, notamment, la pertinence de la profondeur du prélèvement dans le piézomètre est mise en avant. Celle-ci doit être fonction de l’aquifère (niveau d’eau, flux d’eau, etc.), de l’ouvrage (position des crépines, profondeur, etc.), mais également de la densité des substances à analyser. Le prélèvement à plusieurs niveaux dans le piézomètre est également envisageable dans le cas de piézomètres profonds (colonne d’eau supérieure à 10 m).
Dans ce contexte, la réalisation de profils physico-chimiques et/ou de diagraphies de flux est préconisée pour comprendre les circulations d’eau dans l’ouvrage. En effet, notamment dans un milieu fissuré, les arrivées d’eau dans un piézomètre ne sont pas constantes sur toute la hauteur de la colonne d’eau. La mesure des flux (vitesse des courants d’eau), couplée à des profils de température, pH et conductivité par exemple, permet alors d’identifier à la fois les zones où le piézomètre est le mieux alimenté en eau ainsi que la distribution verticale de la qualité des eaux. Les mesures de flux, technique courante dans le domaine des « forages d’eau » (alimentation en eau potable, industrielle, agricole, etc.) est réalisée à l’aide d’un micro-moulinet ou d’appareils thermiques permettant une mesure de l’ordre de 0,1 à 3 m/min). Avec ces données, la profondeur de la pompe de prélèvement peut être optimisée.
Les flux sont également une donnée primordiale à acquérir dans le cas de l’utilisation d’échantillonneurs passifs. La norme consacre plusieurs paragraphes à ce mode d’échantillonnage qui, en complément de la méthode conventionnelle, permet d’obtenir des résultats intégratifs, c’est-à-dire une valeur moyenne de la concentration durant la période d’exposition.
Bien que la nouvelle version de la norme soit récente, les programmes de recherche sur la thématique des eaux souterraines se poursuivent. L’Ineris, en partenariat avec ERG, Ecogeosafe et Eurofins, a mené un exercice de comparaison de différents outils et de protocoles d’échantillonnage. L’objectif de l’étude est d’apporter des éléments quantifiés, permettant d’illustrer les variations susceptibles d’être observées de nos jours en matière de concentrations en polluants, selon le recours à telle ou telle technique d’échantillonnage.
Les travaux ont été menés de 2014 à 2017 sur plusieurs sites (ICPE en activité, ICPE en cessation d’activité, etc.) avec des contextes et problématiques environnementales différentes. L’exploitation des données acquises a reposé sur une analyse des tendances par lecture graphique et une approche statistique.
Une synthèse présentant l’ensemble des travaux menés, les résultats ainsi que les recommandations qui en découlent a été rédigée en août 2018. Parmi les différents points abordés dans cette étude (influence de la filtration, de la volatilisation et de la profondeur d’échantillonnage, etc.), l’influence de la purge sur la représentativité des résultats analytique a été étudiée. Celle-ci a consisté en la comparaison de différentes méthodologies de purge ; une méthodologie conventionnelle (purge de l’ordre de 3 à 5 fois le volume de la colonne d’eau et/ou stabilisation des principaux paramètres physico-chimiques (température, conductivité, pH)), une purge à faible débit (low flow) et
l’absence de purge et purge. Les résultats montrent que la purge de l’ouvrage au-delà du renouvellement de la colonne d’eau n’a pas d’effet notable sur les concentrations obtenues.
Toutefois, la présence d’une phase pure ou d’une émulsion (huile) ou encore de particules influence les résultats.
« CONTAMINATION DES EAUX SOUTERRAINES DANS LE CONTEXTE DES ICPE ET DES SITES POLLUÉS – COMPARAISON D’OUTILS ET DE PROTOCOLES D’ÉCHANTILLONNAGE » (DRC-17-164249-11465A), AOÛT 2018, RAPPORT RÉDIGÉ PAR L’INERIS
L’application d’une méthodologie adaptée à chaque contexte doit avoir pour finalité la production de données fiables et reproductibles, permettant une interprétation qui aide à la caractérisation et aux évolutions des pollutions dans les eaux souterraines. En complément de la norme et des études techniques, le Ministère a mis à disposition en mai 2018 un guide qui propose notamment des trames et modèles de rapports d’interprétation de la qualité des eaux souterraines (rapport de campagnes et bilan quadriennaux), en lien avec les missions de la norme NF X 31-620-2. Les organismes de l’Etat (DREAL et DRIEE principalement) ayant identifié une forte diversité dans le type et la structure des rapports de surveillance, ce guide a pour objectif d’homogénéiser le rendu des rapports à
l’administration.
« SURVEILLANCE DE LA QUALITÉ DES EAUX SOUTERRAINES APPLIQUÉE AUX ICPE ET SITES POLLUÉS », MAI 2018. GUIDE RÉDIGÉ PAR L’INERIS ET LE BRGM POUR LE COMPTE DU MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET SOLIDAIRE
La poursuite des études et programmes de recherche, motivée par les besoins des donneurs d’ordres, basée sur le retour d’expérience des différents acteurs et encadrées par les organismes d’État permettent une amélioration continue de techniques et pratiques d’investigations des eaux souterraines.
Nicolas Diard, responsable de l’agence de Montpellier pour ERG
GÉOTECHNIQUE FORAGE FONDATIONS FORAGE D'EAU ESSAIS
M² EXPOSITION INTÉRIEURE
6000
EXPOSANTS
190
M² EXPOSITION EXTÉRIEURE
1 500
PARTICIPANTS
3000