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Environnement

MAÎTRISER L'EAU SOUTERRAINE DANS LE PROJET DU GRAND PARIS EXPRESS, UN DÉFI TANT ENVIRONNEMENTAL QUE TECHNIQUE - <p>Exemple de carte piézométrique établie à l’état initial (Ligne 15 sud).</p>
01/06/2018

MAÎTRISER L'EAU SOUTERRAINE DANS LE PROJET DU GRAND PARIS EXPRESS, UN DÉFI TANT ENVIRONNEMENTAL QUE TECHNIQUE


Vue en 3D d’un modèlehydrogéologique.
Extension des modèleshydrogéologiques réalisés parGinger Burgeap pour le projetGrand Paris Express.

Fort de ses 200 kilomètres de réseau, essentiellement réalisé
sous terre, le projet du Grand Paris Express intercepte
l’ensemble des grands aquifères du Bassin parisien. La
maîtrise de l’eau souterraine est donc essentielle, tant dans le choix des techniques de construction que du point de vue environnemental, pour préserver des ressources dont
certaines sont stratégiques pour la région.

Ginger Burgeap intervient depuis 2009 pour la Société du Grand Paris en tant que mandataire d’un groupement d’ingénieries spécialisées en environnement. Dès les premières esquisses du projet, une mission d’évaluation stratégique environnementale a été lancée afin d’identifier les principaux enjeux environnementaux, de les intégrer dans la stratégie de conception du projet et de nourrir le débat public. Dans un second temps, l’ensemble des tronçons gérés par la Société du Grand Paris a fait l’objet d’une étude d’impact préliminaire dans le cadre de la déclaration d’utilité publique du projet. Enfin, le groupement a réalisé le premier dossier environnemental détaillé concernant la ligne 15 sud qui constitue la référence des dossiers environnementaux de toutes les lignes. Ce dossier a constitué également un pilote pour l’autorisation environnementale actuellement en vigueur. Il s’agit d’une nouvelle procédure qui regroupe l’ensemble des procédures environnementales dissociées par le passé. Il est le fruit d’un travail collaboratif entre le groupement, la Société du Grand Paris et ses conseils, en concertation avec les services de l’État.
L’eau souterraine fait partie des thématiques majeures prises en compte dans les études environnementales de par la nature du projet et du contexte particulier du Bassin parisien. Le Bassin parisien est constitué d’un empilement de couches sédimentaires qui renferment différents niveaux aquifères sableux ou carbonatés, en relation hydraulique complexe entre eux au travers des horizons qui les séparent. En effet, rares sont les horizons franchement peu perméables entre les différentes couches aquifères. Ainsi, une action comme un prélèvement, par exemple, peut avoir des répercussions dans la couche prélevée, celles du dessus et celles du dessous ! C’est ce qui a été observé jusque dans les années 1960 dans la partie nord de l’Île-de-France, où des prélèvements profonds d’eau à usage industriel dans les sables de l’Yprésien ont entraîné des abaissements spectaculaires du niveau des nappes jusqu’aux plus superficielles.
Une approche pertinente hydrogéologique implique, dans un premier temps, de dresser un état initial aussi complet que possible sur les différents niveaux aquifères susceptibles de concerner le projet. Les premières données recherchées concernent la piézométrie, c’est-à-dire le niveau d’eau rencontré dans une couche donnée, la pente et le sens d’écoulement d’une nappe. En Île-de-France, les caractéristiques générales des principaux aquifères sont assez bien connues, car ceux-ci sont exploités depuis au moins la fin du XIXe siècle. Néanmoins, les grands inventaires hydrogéologiques régionaux sont assez anciens et ont été réalisés pour des conditions d’écoulement des eaux souterraines qui ont nettement changé. Par ailleurs, ils concernent essentiellement les aquifères les plus productifs, car plus économiquement intéressants à exploiter et mieux documentés. Ainsi, des données complémentaires sont nécessaires pour améliorer la connaissance des niveaux d’eau à prendre en compte le long du projet. Dans le cadre de la ligne 15 sud, environ 215 piézomètres ont été réalisés le long du tracé dans cet objectif. La carte (page 99) est un exemple de carte piézométrique interprétée au droit du projet.
Les caractéristiques hydrodynamiques des différentes couches sont ensuite recherchées dans la bibliographie et précisées par des reconnaissances hydrogéologiques comme des pompages d’essai. En complément des propriétés physiques des différentes couches, de nombreuses données environnementales doivent être recensées pour définir l’état initial, comme : l’exploitation des ressources, leur qualité, les relations entre les différents aquifères et les cours d’eau ou les zones humides, la présence éventuelle de zones sensibles tel que les terrains contenant du gypse, les anciennes carrières, les terrains compressibles, etc.
C’est à partir de cet état initial complet que la sensibilité du milieu et les enjeux hydrogéologiques peuvent être définis. Pour hiérarchiser les zones à risque potentiel, 4 grandes catégories d’origine possible de perturbation du milieu ont été définies : ce sont les modifications des écoulements créés par « l’effet barrage », les pompages d’épuisement en phase chantier, le rejet des eaux souterraines, et enfin la mise en communication de nappe. Le tableau ci-dessous donne une appréciation de la sensibilité du milieu sur la base des caractéristiques locales hydrogéologiques et environnementales.

Cette analyse donne une appréciation globale de la sensibilité du projet qui permet ensuite de définir une stratégie d’étude adaptée au risque pour quantifier précisément l’impact.
Une modélisation hydrogéologique en 3 dimensions a souvent été mise en oeuvre afin de produire une évaluation quantitative des effets hydrogéologiques du projet. La figure ci-dessous présente l’extension des 7 modèles construits par Ginger Burgeap autour des différentes lignes du Grand Paris Express.
La surface des modèles peut apparaître comme significative. Le choix des dimensions d’un modèle dépend des caractéristiques hydrogéologiques locales et du projet. Dans ce contexte, des modèles étendus sont privilégiés, car, d’une part, les gares les plus profondes intéressent souvent des aquifères captifs peu ou mal réalimentés où une incidence peut se propager sur de grandes distances;
d’autre part, un modèle étendu permet d’évaluer « les effets cumulés » entre ouvrages d’une même ligne qui seraient réalisés sur une même période.
Une fois le modèle construit, une phase essentielle « de calage » est lancée. Elle consiste à réaliser plusieurs simulations successives en faisant varier certaines propriétés physiques des couches pour aboutir à la restitution la plus fidèle possible des mesures disponibles. Dans ce contexte, le calage permet notamment de préciser les perméabilités verticales des couches intermédiaires entre aquifères. La perméabilité horizontale des couches est souvent assez bien connue, en particulier dans les terrains productifs où il existe de nombreux forages. En revanche, la perméabilité verticale est très difficile à mesurer sur le terrain, mais a une importance capitale pour l’évaluation des incidences au droit d’ouvrages profonds traversant plusieurs aquifères.
Le modèle construit et calé constitue l’outil d’évaluation des incidences physiques du projet. Par exemple, il permet d’évaluer les baisses de niveau piézométrique engendrées par un pompage d’épuisement en phase chantier et les modifications permanentes des directions d’écoulement créées par l’obstacle que constituent les gares et le tunnel. Ces incidences physiques doivent ensuite être traduites en impacts sur les différentes cibles identifiées, telles que les exploitations d’eau souterraine, les zones humides, les zones de bâti, etc. L’impact doit être non significatif ou maîtrisable pour que le projet de construction puisse être validé. La conception du projet doit donc tenir compte des contraintes environnementales. C’est pourquoi la société du Grand Paris a souhaité que l’expertise environnementale soit incluse dès les phases de conception préliminaires du projet. En prenant l’exemple de la ligne 15 sud, tout au long de la phase de conception technique des ouvrages, un important travail de concertation a été réalisé entre maîtrise d’oeuvre et spécialiste en environnement. Ce travail collaboratif a pour objectif de concevoir un projet optimisé techniquement et intégré à son environnement. En ce qui concerne l’eau souterraine, la réalisation des fondations spéciales (parois moulées, fonds injectés) constituait un sujet important d’échange de par leur influence sur les débits d’exhaure à gérer en phase chantier et les rejets associés.
Enfin, l’expertise environnementale est présentée sous la forme de dossiers réglementaires au formalisme précis. La rédaction et l’illustration de ce type de dossier est une étape fondamentale. Il s’agit de présenter des éléments techniques souvent pointus et précis à l’attention de services instructeurs spécialistes en environnement, mais pas nécessairement en construction, tout en conservant une approche accessible au public.


Laurent Pyot, responsable de l’activité géothermie et hydrogéologie de la construction, département eau, énergie, ville et territoire chez Ginger Burgeap


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