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Géophysique

DÉTECTION DES CAVITÉS : LA MODÉLISATION AU SERVICE DE L'INTERPRÉTATION DES ANOMALIES MICROGRAVIMÉTRIQUES
01/04/2019

DÉTECTION DES CAVITÉS : LA MODÉLISATION AU SERVICE DE L'INTERPRÉTATION DES ANOMALIES MICROGRAVIMÉTRIQUES






La présence de cavités, qui peuvent être d’origine anthropique ou karstique, dans de nombreuses régions françaises influence fortement les projets d’aménagement du territoire. Ces projets peuvent consister en de grandes infrastructures d’intérêt collectif, telles que des lignes de TGV, des autoroutes, des réseaux de transport d’énergie ou parcs éoliens, ou des investissements d’échelle plus locale, tels que des parcs immobiliers ou des extensions d’aménagements industriels.

Le risque d’effondrement potentiel lié à la présence de ces cavités peut impacter dangereusement tant la pérennité des ouvrages que la vie des usagers ou des personnels. Dans ce cadre, il est nécessaire de préciser la localisation de ces cavités dans les zones à risque, sans pour autant effectuer des sondages à l’aveugle. La microgravimétrie est la méthode géophysique la mieux adaptée à la recherche de cavités par la détermination, à l’aide de la mesure de la variation de la gravité terrestre, des anomalies de densité sur un site donné.
Cependant, la seule localisation des anomalies de densité est insuffisante. Afin d’apporter des éléments complémentaires, nécessaires à la décision du maître d’ouvrage ou de ses conseils, il convient de mettre en oeuvre des outils de modélisation qui ont pour objectif de restreindre au maximum les hypothèses quant aux origines possibles des anomalies de densité. Ils permettent d’apporter des précisions sur les caractéristiques probables des anomalies, telles que le contraste de densité avec le milieu encaissant, la profondeur, la géométrie et le volume de la structure.
Les caractéristiques obtenues par modélisation permettent au maître d’ouvrage d’obtenir des informations importantes pour la poursuite de son projet et d’anticiper ainsi les contraintes liées à la problématique cavité. Elles permettent également, dans un souci d’optimisation technique et financière, d’orienter et de dimensionner les reconnaissances par sondages mécaniques nécessaires à la validation des hypothèses émises sur les anomalies de densité à la suite de la campagne de microgravimétrie.
Les outils de modélisation des anomalies microgravimétriques, bien que nécessaires, sont peu nombreux sur le marché. Innogeo a déployé mi-2015 l’offre de service InGravi-T pour la détection et la caractérisation des défauts de masse souterrains (cavité ou autre). Ce service est le résultat d’un projet de développement de 2 ans, aidé par la Région Rhône-Alpes, et qui a notamment permis de mettre au point la suite logicielle Gravi-T Software composée de 3 modules : Gravi-T Start, Gravi-T Scan et Gravi-T Map. Ces applications visent, d’une part, à optimiser l’acquisition des mesures sur site grâce à une interface sur tablette qui contrôle les opérations de mesurage, et d’autre part, à caractériser, par la modélisation numérique de la réponse microgravimétrique, les défauts de masse comme des cavités ou des zones de terrain décomprimé (nature, dimensions, profondeur).
Aujourd’hui, presque 4 ans après le déploiement du service InGravi-T, le retour d’expérience porte sur plus de 50 000 stations microgravimétriques mesurées (au total, depuis sa création fin 2008, la société a mesuré plus de 150 000 stations) et permet de mettre en évidence une nette amélioration de la procédure de mesurage, notamment une diminution de l’incertitude de l’ordre de 10 à 15 %, et, surtout, une forte amélioration de la caractérisation des défauts de masse du sous-sol. En effet on constate une très bonne corrélation entre les résultats de modélisation et les sondages mécaniques de contrôle réalisés postérieurement aux mesures sur la base des hypothèses et des implantations définies par Innogeo.
Ces améliorations interviennent de plusieurs façons :

  • en prenant en compte l’influence microgravimétrique des infrastructures proches des points de mesure, qui peuvent masquer les anomalies « géologiques » et empêcher de conclure quant à la présence ou à l’absence de cavités. Ainsi dans le cadre des travaux de prolongement de la ligne 14 à Paris, entre Saint-Lazare et Saint-Ouen (figure 1 p. 81), l’ensemble des infrastructures entourant le tunnel ferroviaire (réseaux, caves, parkings…) a été
    modélisé. La correction de l’influence de ces structures a permis d’isoler les défauts de masse dont l’origine était liée à la géologie des terrains traversés par le projet et nécessitait la mise en oeuvre de traitements spécifiques ;
  • en caractérisant l’extension de cavités connues comme, par exemple, des carrières souterraines. Même s’il existe des cartographies des anciennes exploitations minières, celles-ci sont rarement exhaustives. Les modélisations permettent alors de conclure sur la présence éventuelle d’extensions et d’estimer leurs dimensions afin de compléter les plans existants. L’exemple présenté (figure 2 p. 82) correspond à l’étude d’un site localisé sur une commune du département du Nord. Les mesures microgravimétriques et la modélisation des carrières connues ont confirmé le plan des carrières et validé l’absence d’extensions de ces dernières sous des habitations susceptibles d’être menacées par leur présence ;
  • dans le cadre d’études en « aveugle », le cas le plus fréquent, aucune information n’est disponible quant à la nature et aux dimensions des désordres recherchés (cavités, zones décomprimées, infrastructures anthropiques…). La suite logicielle Gravi-T Software permet dans ce cas, à partir des résultats microgravimétriques, de remonter à une hypothèse sur l’origine des désordres mis en évidence. Les anomalies sont alors classées en fonction de leur nature, de leur profondeur et de leurs dimensions. Ces informations permettent d’optimiser la campagne de sondages de contrôle, en termes de nombre de sondage, implantation, profondeur et, donc, d’en limiter le coût et l’impact sur l’environnement. L’étude du site d’un barrage, constitué d’une digue en terre dans le centre de la France (figure 3 p. 82), montre la très bonne corrélation entre la modélisation microgravimétrique de terrains de faible densité – entre 11 et 15 m de profondeur – et les sondages de contrôle, réalisés au CPT, qui confirment la présence d’une zone décomprimée aux mêmes profondeurs. L’étude microgravimétrique réalisée par Innogeo a permis d’optimiser la campagne de sondages de contrôle et d’en limiter l’impact sur la digue.

En complément de l’offre InGravi-T, d’autres procédés géophysiques permettant de définir la géométrie des défauts de masse détectés peuvent être mis en oeuvre. La tomographie sismique et la tomographie de résistivité électrique permettent de valoriser les campagnes de sondages de contrôle réalisés dans le cadre de l’étude microgravimétrique ou en cas d’impossibilité d’effectuer une telle campagne. Ces techniques peuvent être mises en oeuvre dans de nombreux cas de figure et ne nécessitent pas d’accès direct à la cavité ou au défaut de masse.
La tomographie sismique utilise la mesure du temps de trajet des ondes sismiques de compression entre forages. L’inversion mathématique des temps de trajet permet d’établir la cartographie de la répartition des vitesses sismiques entre les forages. Un défaut de masse du sous-sol, comme une cavité par exemple, est caractérisé par le contournement de ce défaut par les rayons sismiques et, subséquemment, par la diminution des vitesses sismiques dans la zone de la cavité. Un maillage de forages permet d’obtenir une visualisation en trois dimensions de la cavité et d’en estimer le volume. La figure 4 à gauche illustre la détection d’une cavité ou zone fortement décomprimée par une anomalie de vitesse à partir de 20 m de profondeur, environ. La tomographie sismique peut être mise en oeuvre dès lors qu’il existe un contraste de vitesse sismique avec le terrain encaissant et un volume de vides ou défauts de masse suffisants. Cette technique est applicable pour des cavités vides ou remplies et peut-être utilisée pour des profondeurs où les cavités ne pourraient pas être détectées par microgravimétrie.
La tomographie de résistivité électrique conduit à la cartographie de la répartition des résistivités électriques entre forages. Cette seconde technique est mise en oeuvre pour des défauts de masse correspondant à des matériaux électriquement conducteurs (altération argileuse, remplissage de cavité par de l’argile ou de l’eau) dans un encaissant électriquement résistant (massif calcaire, gypse massif). De la même manière que pour la tomographie sismique, la carte de répartition des résistivités électriques est obtenue par inversion mathématique des mesures de résistivité. La visualisation en 3D est possible avec un maillage de forages. La figure 5 au-dessus illustre le cas d’une zone décomprimée entre 25 et 50 m de profondeur au sein d’une formation de gypse massif.
Au-delà des techniques indirectes de la géophysique, il est possible également, en introduisant une sonde dans la cavité à partir d’un forage, d’en réaliser une reconnaissance directe par imagerie vidéo, laser (cavité vide) ou ultrasonore (cavité pleine d’eau). On peut obtenir ainsi une image 3D de la cavité et en calculer précisément le volume. C’est l’objet de notre futur service InCavi-T en cours de développement.

 

Christophe Bodard , Chef de projet Innogeo
Olivier Loeffler, responsable d’agence Innogeo


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