Dans le cadre de la construction du complexe multiactivités à Rochetailléesur-Saône (Rhône), l’objectif de performance énergétique recherché par la commune maître d’ouvrage était de répondre aux exigences de la RT2012 - 20 %. Le bureau d’études Synapse Construction (Groupe Agiloe) a mis en place un système de chauffage avec pompes à chaleur géothermiques et des sondes géothermiques verticales (SGV). Au total, 7 sondes de 150 m de profondeur ont été forées et positionnées sous
le bâtiment (avec vide sanitaire accessible). La solution retenue permettra d’assurer le chauffage, le préchauffage d’eau chaude sanitaire et le rafraîchissement passif de l’ensemble du bâtiment (poste de coût le plus important de ce type de bâtiment) à sa livraison en 2023.

ÉTAT DES LIEUX DU PROJET

Rochetaillée-sur-Sâone est une petite ville de 1 500 habitants à 10 km au nord de Lyon.
Prisée des Lyonnais en quête de nature et de calme, c’est une ville qui a tout pour plaire :
son centre historique, son chemin de promenade en bord de Saône et ses guinguettes, son écluse, son ruisseau classé et ses nombreux équipements dédiés à la pratique d’activités de loisirs.
La Ville promet un développement maîtrisé, économe en énergies et respectueux de l’environnement.
Pour faire face à l’accroissement de sa population, la Ville a besoin d’agrandir son école et récupérer l’espace de l’actuelle salle de sport et des fêtes qui se trouvait en son sein. Elle décide donc en
2019 de lancer une consultation pour la construction d’un complexe multiactivités sur un terrain de la commune pour accueillir une salle des fêtes avec espace scénique, une salle de sport, un dojo pour les associations d’arts martiaux, ainsi qu’un espace de coworking dédié aux associations, tout cela dans un même lieu.
C’est l’équipe menée par le cabinet d’architecture Mégard architectes accompagné de Synapse Construction pour les études fluides et structures qui a été désignée lauréate du concours.
Les travaux de gros oeuvre ont commencé en début d’année. « Nous avons mis un point d’honneur à construire un bâtiment résilient du point de vue du développement durable », précise Éric Vergiat, maire de La Rochetaillée-sur- Saône. Le ton est donné.

UN PROJET ARCHITECTURAL BASÉ SUR LA PERFORMANCE ÉNERGÉTIQUE

Situé en zone inondable et sur un périmètre restreint, le terrain municipal ne disposait pas que d’atouts. Le terrain sélectionné disposait d’une superficie de 1 683 m² et se trouvait enclavé entre
un supermarché au nord, une ex-route départementale à l’ouest, des terrains de tennis au sud et une rue à l’est. Le parti pris architectural a donc été naturellement de s’ouvrir au sud sur les terrains de tennis, tout en prenant de la hauteur pour sortir de la zone inondable. Cela crée une sorte de belvédère naturel sur les jeux de tennis et permettait l’installation de gradins.

LA CONCEPTION ARCHITECTURALE

Du point de vue de la performance énergétique, la conception architecturale du bâtiment par l’équipe de Mégard Architectes cherche à réduire au maximum la surchauffe de l’air intérieur en été, sans pénaliser l’apport de lumière naturelle : la structure du bâtiment est traitée avec une ossature bois (provenant essentiellement de la région), permettant d’avoir de larges débords de toit à l’est et au sud qui protègent de la lumière directe du soleil. Des ailettes brise-soleil orientées à 45° ont été installées au sud, côté route. Cela réduit par ailleurs le risque d’éblouissement. L’équipe a de plus voulu une isolation performante avec l’utilisation d’isolants en toiture et des murs en ossatures bois, associée à l’installation de vitrages avec des coefficients UW performants traités thermiquement.

LA CONCEPTION DES FLUIDES

Le poste de déperditions le plus important dans ce type de bâtiment est celui lié à la ventilation des locaux. En effet, les débits d’air neuf/hygiénique varient entre 0 et 7 000 m3/h en fonction du
nombre de personnes présentes simultanément dans la salle des fêtes et le dojo.
Concernant ce poste important, les préconisations de Synapse Construction en termes d’ingénierie fluide ont visé tout à la fois la performance en même temps que l’économie d’énergie.
Le chauffage des locaux sera de type eau chaude par radiateurs pour la partie vestiaires, sanitaires et salle associative. Pour les grands volumes (salle des fêtes, salle des sports, dojo) le chauffage sera
assuré par trois centrales de traitement d’air avec récupération d’énergie qui géreront également le renouvellement d’air hygiénique. Ce choix permet également de ne pas avoir d’équipements
sur les murs de la salle des fêtes (pour une meilleure modularité) et du dojo (pour une meilleure sécurité). Les CTA permettront également de réaliser du freecooling et du night cooling pour « rafraîchir » les locaux durant les nuits d’été et en intersaison. Elles assureront également la gestion de l’hygrométrie (pour déshumidifier) les locaux.
Avec l’installation de panneaux photovoltaïques sur le toit, l’électricité sera utilisée en autoconsommation par les systèmes du bâtiment tout en gardant la possibilité de revendre le surplus.

LA GÉOTHERMIE

Un premier sondage de recherche d’eau souterraine (étude hydrologique) a été réalisé en phase d’études par un géotechnicien et n’a pas permis de localiser la présence d’une nappe d’eau malgré
la proximité avec la Saône. Aussi, il a été décidé d’installer une pompe à chaleur eau glycolée/eau sur sondes verticales avec une relève électrique. Pour valider la faisabilité de l'utilisation de la géothermie
dans le cadre de ce projet, un sondage de reconnaissance a été réalisé sur une profondeur de 150 m, et a été équipé d'une sonde géothermique verticale. Au cours de l’étude, l’équipe a découvert dans le sol la présence de remblais, qui proviennent vraisemblablement de la construction du tunnel
de la Croix-Rousse ! Cela a nécessité la consolidation du terrain avec des injections de béton pour obtenir une portance suffisante.

Le test de réponse thermique(TRT) qui a été effectué sur la sonde a permis de mesurer, d'une part, une conductivité thermique moyenne du sous-sol de 2,47 W/mK, d'autre part, une température moyenne de 15,4 °C, valeurs très favorables pour l'utilisation de la géothermie sur échangeur vertical.
Ces propriétés font du site de Rochetaillée-sur-Saône un site très favorable à l'exploitation du sous-sol par un système de sondes géothermiques verticales. Cela a aussi validé le dimensionnement
initial de 7 SGV préconisé par Synapse Construction, associées à 2 PAC pour le chauffage et le préchauffage de l’eau chaude sanitaire (106,5 MWh/an).
En conséquence, le critère de dimensionnement portant sur le seuil minimal de la température du fluide circulant dans les SGV, c'est-à-dire une température minimale dans les sondes de - 3 °C,
est respecté sur toute la durée de vie de l'installation : le fluide circulant dans les sondes atteindrait selon les simulations pendant les pointes hivernales et après 25 années de fonctionnement, une
température de - 1,7 °C. Le COP global machine est de 4,31 (le SCOP annuel en comptabilisant la consommation dans l'auxiliaire de circulation est de 3,94). La quantité d'énergie extraite du sous-sol
sur une année est de 82 MWh. « L’été, nous injectons des calories dans le sol grâce à ce système, tout en refroidissant le bâtiment pour maintenir une température confortable dans les locaux. Et nous récupérerons ces mêmes calories en hiver pour le réchauffer.
Nous sommes sur un système vertueux de gestion d’énergie qui nous semble indispensable au vu des grands enjeux climatiques auxquels nous allons faire face dans les années à venir. Il est important que nous fassions appel à des solutions innovantes et économes en énergie dans notre approche de la
construction », explique Nicolas Mangold, directeur du pôle fluides Auvergne-Rhône-Alpes pour Synapse. « Dans les trois derniers projets que nous avons menés, tous prévoyaient l’installation de sondes géothermiques, c’est maintenant une pratique très courante. En revanche, les positionner sous
le bâtiment est beaucoup moins courant. En général, on préfère positionner le champ de sondes géothermiques en dehors de l’emprise du bâtiment lorsque la taille du terrain le permet. C’est plus simple et son installation n’a que peu d’impacts sur le planning de chantier.
Ce que nous avons fait à La Rochetaillée demande une organisation de chantier plus pointilleuse. Il faut noter tout d’abord que l’installation de ces 7 SGV nécessite 1 mois de travaux sur un chantier
qui durera 12 mois au total ; il y a un donc un délai important à prendre en compte. La conception du bâtiment en bois, plus rapide qu’une construction traditionnelle, permet en effet de pouvoir
construire plus vite et de gagner sur le planning global. Ensuite, lorsqu’on installe un champ de SGV sous un bâtiment, il faut que la position des sondes soit parfaitement implantée par rapport aux fondations du bâtiment qui vont être placées ensuite. On n’a pas le droit à l’erreur, mais cela vaut le coup. On utilise le bois comme matériau biosourcé dans la construction. La géothermie est finalement une belle manière d’utiliser l’énergie qu’offre la terre », explique Étienne Mégard, dirigeant de Mégard
Architectes.

Dalila Taher
Photo du chantier septembre 2022. Groupe Agiloe