Un exemple vertueux est celui du réaménagement de l'échangeur de Mougins (Alpes-Maritimes), dans lequel des travaux de soutènement et confortement innovants et à impact environnemental réduit ont été préférés aux techniques plus conventionnelles à base de béton.
Un mur de soutènement a été réalisé en remblai renforcé avec parement minéral en gabions, et un clouage de sol a été réalisé avec un parement souple en grillage renforcé. Les deux solutions garantissent une durée de vie estimée de l’ouvrage de 120 ans (NF EN 10223-3) dans un environnement agressif, tout en s'intégrant au milieu environnant.

CONTEXTE

Dans le cadre du réaménagement de l’échangeur de Mougins, différents ouvrages ont été commissionnés par le gestionnaire de l'autoroute, afin de supprimer, ou du moins réduire, la formation
d’embouteillage sur l’autoroute aux heures de pointe, dans le but d’améliorer la sécurité des usagers.
Parmi les différents ouvrages prévus pour ce projet, le présent article se focalisera sur la bretelle provenant d'Aix-en-Provence, pour laquelle un mur de soutènement d’environ 90 ml et différents
travaux de confortement de talus ont été réalisés, utilisant des solutions techniques innovantes, performantes, esthétiques et à impact réduit sur l’environnement.
La pollution atmosphérique locale provoquée par la circulation routière et la proximité de la mer classent le degré d'agressivité environnementale de la zone d'implantation en type C4 (agressivité élevée, selon la norme ISO 9223). Afin d’atteindre une durée de service de 100 ans pour les ouvrages définitifs, des technologies de protection avancées contre la corrosion et le vieillissement des matériaux ont dû être utilisées pour répondre aux besoins requis par le gestionnaire de l’autoroute (Vinci Autoroutes) et par les normes de référence en termes de durabilité.
Différents acteurs ont collaboré à la conception et à la construction de l'ouvrage, commissionnés par le maître d’ouvrage Vinci Autoroutes et dirigés par la société d’ingénierie Ingérop, sous la supervision de Géolithe, en mission G4. Les travaux ont été principalement réalisés par l'entreprise Garelli,
capable d'apporter une expertise aussi bien dans le domaine du terrassement que des travaux sur corde. Les solutions géotechniques adoptées mises en oeuvre sur ce chantier ont été
principalement fournies par l’entreprise Maccaferri, qui s'est également occupée de l'installation des éléments constituant le parement du mur de soutènement en remblai renforcé, ainsi que le dimensionnement de la stabilité interne de ce dernier.

OUVRAGES PRINCIPAUX

Les éléments constituant la nouvelle bretelle peuvent être classés en 3 ouvrages principaux : la paroi clouée en amont du mur de soutènement (ouvrage OA-01), le mur lui-même (ouvrage OA-02) et le sol cloué en aval de ce dernier (ouvrage OA-03). La paroi clouée (OA-01) est constituée d'un ouvrage provisoire ayant pour but de soutenir la section d'excavation pendant les travaux. Il s'agit d'un maillage étroit de clous en barres autoforantes R38 de 6 m de longueur, associés à un parement en béton projeté armé, d’épaisseur de 25 cm. Cet ouvrage a été réalisé au fur et à mesure de l'avancement des terrassements vers le bas, jusqu’au niveau final de l’excavation, afin de maintenir ouverte la sortie d'autoroute. Pour cet ouvrage, le parement en béton n’a pas pu être remplacé par des solutions à plus faible impact carbone, comme des grillages à haute résistance. Ces derniers ne sont pas adaptés pour des profils ayant des pentes supérieures à 70° et s’ils sont déformables (revêtements structurels flexibles).
Le mur de soutènement et les travaux de confortement aval constituent les ouvrages définitifs, réalisés avec des techniques alternatives au béton.
Le mur (OA-02) a été dimensionné et réalisé en remblai renforcé, avec parement raidi, en gabions double torsion. La longueur totale du mur est de 88 m, pour une hauteur variable entre 2,00 et 5,50 m. Les renforts internes du remblai sont constitués de plusieurs nappes de géosynthétiques bidirectionnels en polyester haute ténacité, de longueur variable selon le profil d'excavation et atteignant parfois 6,5 m, couplés avec une nappe de grillage double torsion de 3,00 m de longueur
qui permet une liaison mécanique entre les renforts et le parement.
Une nappe de géocomposite de renfort et de séparation a également été ajoutée à l'interface entre le terrain naturel et la couche granulaire de fondation, afin d'augmenter la capacité portante du sol de fondation et limiter les déformations et transferts de charges sur l’ouvrage aval (OA-03).
Ce dernier ouvrage (OA-03) consiste en un confortement du talus en sol meuble, avec une inclinaison d'environ 30°, au moyen d’un sol cloué, réalisé avec des barres pleines de 32 et 40 mm de diamètre et de longueur variable entre 8 et 10 m. Le parement a été varianté en phase d’exécution par rapport à la
solution initialement envisagée en béton projeté. La solution proposée permet d’avoir un ouvrage techniquement et esthétiquement plus adapté, avec un parement souple en grillage renforcé végétalisable et drainant.

DES SOLUTIONS INNOVANTES

Pour les ouvrages définitifs réalisés avec des solutions alternatives au béton, des produits développés et fabriqués par Maccaferri ont été utilisés.
La technologie du TerraMesh System a été utilisée pour le remblai renforcé. La solution consiste en un parement modulaire en gabions double torsion intégrant une nappe de grillage double
torsion, ancrée sur 3 m à l'intérieur du remblai. Cette technologie permet d'économiser sur le volume total des gabions, en limitant l’épaisseur du parement à 1 m. Le TerraMesh, associé aux géosynthétiques de renforcement ParaGrid 100, représente une solution idéale qui combine de hautes performances en termes de support avec une grande capacité d'absorption des déformations, sans que cela limite sa fonctionnalité. Le parement en gabion est également totalement perméable et
s'intègre parfaitement avec le paysage. Le parement souple du sol cloué a été réalisé avec le géocomposite MacArmour. Dans ce cas, il s'agit d'un grillage double torsion, renforcé par des câbles en acier de 8 mm tous les 30 cm longitudinalement et transversalement, avec une résistance à la traction significativement élevée dans les deux sens et une déformabilité limitée au poinçonnement. Ce type de grillage est largement capable de remplacer le béton projeté sur des pentes de 30-60° qui acceptent un certain degré de déformation.
Un géomatelas biodégradable en fibre de coco couplé en phase de fabrication s’accompagne à la matrice en acier pour remplir une fonction anti-érosion et de rétention des matériaux fins, afin de faciliter la croissance de la végétation dans les premiers mois après la pose.
Dans ce cas également, la solution accepte de légères déformations et s'intègre au paysage environnant, diminuant ainsi l’impact visuel de l’ouvrage.
Le TerraMesh System et le MacArmour sont des produits testés et certifiés CE, constitués de grillages en fil d’acier avec un revêtement métallique avancé en alliage de zinc et d’aluminium, et une gaine polymère obtenue par extrusion sur le fil d’acier (PoliMac). Ce revêtement innovant de dernière génération a été développé afin de garantir une durabilité de 120 ans quelle que soit l’agressivité atmosphérique du site (de C2 à CX). Cette durée de vie est donc également respectée dans le cadre de ce chantier, classé comme fortement agressif (C4).
De même, d'autres solutions utilisées sur site ont été envisagées dans des configurations garantissant cette durée de vie. Ainsi, des câbles de 12 mm avec revêtement PoliMac ont été utilisés pour le renfort du clouage de sol, des plaques de répartition ont été installées sur les barres d'ancrage, dotées d'un revêtement avancé en poudre époxy, largement utilisé dans les pays scandinaves aux environnements agressifs en bord de mer.
La dernière technologie Powder Coating, applicable sur les barres d’ancrages (pleines ou creuses) et sur leurs accessoires (plaques, écrous, etc.), consiste en une protection polymère supplémentaire, projetée en usine sur l'acier déjà galvanisé, à la suite d’un traitement de phosphatation zinc-manganèse. Le développement de cette technologie en France pourrait permettre un dimensionnement plus adapté des ancrages passifs.
Cela permettrait de réduire la couronne sacrificielle liée à la perte de diamètre due à la corrosion de l'acier, éviterait le surdimensionnement des diamètres des barres (suivant la norme NF P94-270) et diminuerait l'impact économique et environnemental.
Parmi les autres solutions Maccaferri utilisées sur ce chantier, il est possible de citer les géocomposites de drainage MacDrain W, appliqués à l’interface entre le sol et le béton projeté et entre le béton projeté et le remblai structurel.
Le faible impact visuel du chantier de Mougins et la durée de vie des produits ne sont pas les seuls
atouts de ces travaux. L’impact environnemental est aussi quantifiable en termes d’émissions de gaz à effet de serre tout au long du cycle de vie du produit, de l'approvisionnement des matières premières en usine jusqu'à sa fin de vie. Cette évaluation est possible grâce aux certifications EPD (Environmental Product Declaration), qui fournissent une évaluation objective de leur impact environnemental en termes de différents paramètres tels que la production de CO2, l'utilisation de l'eau, l'utilisation de combustibles fossiles, etc.

TRAVAUX ET DÉFIS TECHNIQUES

L'intérêt du chantier de Mougins ne réside pas exclusivement dans les technologies avancées utilisées pour ses ouvrages, mais également dans la complexité des opérations, réalisées par différents intervenants dans un espace réduit, dans un temps défini et sur une zone directement adjacente à l’autoroute A8, qui est restée ouverte pendant les travaux.
La construction du mur de soutènement a nécessité la collaboration entre l'entreprise France Maccaferri et Garelli. Les travaux pour le conformément aval ont, en revanche, été entièrement réalisés par les équipes spécialisées Garelli.
L'utilisation du MacArmour comme alternative au béton projeté a permis de préserver certains arbres sur la pente, grâce à sa facilité de mise en oeuvre et sa capacité à être découpé sans subir de perte de performance et se démailloter. La pose du géocomposite nécessite uniquement une fixation sur un câble de tête, puis de dérouler les rouleaux sur toute la longueur de la pente et de les fixer à un câble de pied. Cela permet une installation plus rapide que certaines solutions comme le béton projeté, diminuant ainsi la durée du chantier et une moindre exposition des travailleurs aux risques qui en résultent.
La construction du parement du remblai en TerraMesh System a été entièrement gérée par France Maccaferri, du dimensionnement jusqu'à la fourniture et l'installation par l'intermédiaire de ses équipes certifiées Asqual ROG (réalisations d'ouvrages en gabions). En effet, la construction d’un mur en gabions nécessite une attention particulière lors de la pose des pierres, tant pour des raisons esthétiques que structurelles.
Cependant, la mise en oeuvre par une équipe spécialisée s’est effectuée rapidement et a pu progresser de pair avec les travaux conséquents d'excavation, d'installation de géosynthétiques
et de remplissage. L’ensemble du linéaire du remblai renforcé a été construit en moins de deux mois.

CONCLUSIONS

Le réaménagement de l'échangeur de Mougins constitue une référence pour les futurs projets routiers et d'infrastructures. Ceci est un exemple vertueux dont les techniques classiques de soutènement peuvent parfois être repensées pour en tirer des avantages économiques, techniques et environnementaux. Cette nouvelle liaison est capable de désengorger la circulation à la sortie de Cannes et s'intègre parfaitement au milieu environnant grâce à l'utilisation de pierres locales et à la végétation qui pourra croître sur le talus conforté.
La gestion soignée par le maître d’ouvrage et la maîtrise d’oeuvre ont permis la création d'un ouvrage unique et d’avantgarde, permettant de se soumettre à des normes strictes en matière de sécurité et de performance, tout en diminuant l'impact visuel et environnemental, et en garantissant une durée
de vie supérieure à 100 ans dans un environnement pollué et à proximité de la mer.

Paolo Gandolfi, chargé d’affaires risques naturels France Maccaferri
Alberto Grimod, directeur général et responsable risques naturels France Maccaferri
Céline Roger, conductrice d’opérations réseau Escota Vinci Autoroutes
Damien Capra, chef de projet Ingérop