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France

TUNNEL LYON-TURIN, LE TRAVAIL D'UN BUREAU D'ÉTUDES GÉOTECHNIQUES - <p>Intérieur du tunnel – C05a – juillet 2023.</p>
30/11/2023

TUNNEL LYON-TURIN, LE TRAVAIL D'UN BUREAU D'ÉTUDES GÉOTECHNIQUES


Photographie depuis le Nord sur les sites des Moulins (premier plan) et des Tierces(second plan) ainsi que sur le convoyeur – Juillet 2023.
Photographies par drone du site des Tierces – Juillet 2021.
Photographie du convoyeur (gare aval) en cours d’installation – Septembre 2022.

TELT(1) est maître d’ouvrage du projet de liaison ferroviaire transalpine Lyon-Turin. Ce chantier unique est réparti en
12 chantiers opérationnels (CO) entre la France et l’Italie pour, à terme, réaliser un tunnel de base de 57,5 kilomètres et au global 162 kilomètres de galeries. L’avancement à septembre 2023 de l’excavation et des constructions dépasse 20 %.

TELT a attribué le contrat de 220 M€ pour le lot CO5a au groupement nommé Lyto et composé de Vinci Construction Grands Projets, Dodin Campenon Bernard, Vinci Construction France, Webuild et Bergteamet. Le groupement Egis/Alpina est chargé de la maîtrise d’oeuvre.
Les matériaux extraits durant l’ensemble des travaux sont soit valorisés par recyclage dans les constructions du tunnel, soit utilisés pour la réhabilitation et la renaturalisation de sites identifiés sur le
territoire. Sur le lot CO5a les matériaux sont mis en dépôt.
Les déblais du marché CO5a sont issus des puits de ventilation d’Avrieux (500 m de profondeur, 5,2 m de diamètre), d’un tronçon du site de sécurité (dont une galerie de 2,5 km, section 50 à 90 m²)
et des 7 cavernes (791 m, section 200 à 400 m²) qui serviront à l’assemblage des tunneliers pour creuser ensuite en direction de l’Italie. L’excavation des matériaux est prévue de 2020 à 2024, soit
une durée totale de 4 ans.
Les déblais rocheux nommés Matex sont extraits principalement par méthode traditionnelle, c’est-à-dire par explosifs, mais aussi par des tunneliers de type Raise Boring Machine (puits). À la sortie
de cette descenderie, les matériaux sont réceptionnés sur les sites des Moulins et des Tierces, au niveau de Modane.
À la demande et pour le compte du groupement Lyto, le bureau d’études géotechniques Confluence intervient dans le cadre d’une mission de type G3 – Phase étude et suivi, sur les communes
de Avrieux/Villarodin-Bourget/ Modane (Savoie) comportant :

  • l’aménagement du site des Moulins :
    - définition des arases et PST et le dimensionnement des plateformes avec : conditions de mise en oeuvre, stabilité au poinçonnement et tassements, stabilité générale ;
  • l’aménagement du site des Tierces :
    - définition des arases et PST et le dimensionnement des futures plateformes avec les conditions de mise en oeuvre ;
    - étude de la stabilité du remblai définitif avec : conditions de mise en oeuvre, stabilité au poinçonnement et tassements, stabilité générale ;
    - étude de la stabilité provisoire du remblai tampon ;
  • la réalisation du convoyeur entre les sites des Moulins et des Tierces :
    - étude du mode de fondations du convoyeur, calculs des tassements et vérification de la portance des fondations ainsi que le calcul des tassements apportes par des remblais
    périphériques ;

            - mise en place et suivi de tassomètres sur le site des Moulins.
La zone des Moulins (environ 40 000 m²) est le site de réception, de tri et de concassage (0/250 mm) des matériaux avec un stockage provisoire et définitif de faible capacité. La zone des Tierces (environ
70 000 m²) est le site de stockage définitif principal des matériaux du marché CO5a puis du marché CO11 (volume final de 2,37 millions de m3).
Les deux sites se situent de part et d’autre de l’Arc, la construction d’un convoyeur pour transporter les matériaux a été retenue par le maître d’ouvrage dès la conception pour éviter un transport par
camions, source de pollution et nuisances pour les riverains. Ainsi, depuis son démarrage, le convoyeur a déjà évité l’équivalent de 20 000 camions poids lourds pour faire transiter de l’ordre de
10 % du volume total.

 

CONTEXTE GÉOLOGIQUE ET ANOMALIES GÉOTECHNIQUES


Au droit des deux sites, les campagnes de sondages réalisées entre 1999 et 2021 ont consisté à plus de 70 fouilles à la pelle, plus d’une trentaine de sondages pressiométriques, quasiment une quarantaine de sondages pénétrométriques et plus d’une dizaine de sondages carottés ; les profondeurs atteignent 50 m. De nombreux essais en laboratoire et des campagnes géophysiques
ont aussi été réalisés.
L’ensemble des investigations a permis d’identifier un contexte géologique proche de la géologie attendue avec néanmoins quelques anomalies du côté des Tierces :

  • présence locale d’alluvions fluviatiles ou de formations morainiques de granulométrie fine et de compacité faible,
  • la présence locale de vides,
  • l’absence du substratum dans les premiers mètres comme attendu en phase de conception.

Ces anomalies géotechniques nous ont amenés à adapter la conception initiale.

 

DES TASSEMENTS, DE LA PORTANCE ET DU POINÇONNEMENT


Concernant les questions des tassements, de la portance et du poinçonnement, s’agissant de sols non saturés et non impactés par une nappe de versant généralisée, les durées de consolidation
seront limitées et l’amélioration de la cohésion rapidement obtenue. À cela s’ajoute une durée de mise en oeuvre importante. Finalement, nous avons considéré que la majeure partie des tassements,
d’ordre métrique, sera acquise en phase d’élaboration du dépôt, et que des tassements à long terme se manifesteront dans une moindre mesure.
Néanmoins, dans la zone de faible compacité, nous avons recommandé le suivi des tassements pour s’assurer in situ du bon comportement des remblais au fur et à mesure de leur élaboration, qui sera
possible rapidement.

 

STABILITÉ DU DÉPÔT


À propos de la stabilité du dépôt, le choix d’une solution dépendant de nombreuses hypothèses ou valeurs moyennes à définir, a été plus complexe.
En effet, l’originalité des partages des marchés impose une montée du remblai des Tierces par deux groupements d’entreprises et deux équipes de maîtres d’oeuvre différents. Malgré la réalisation
d’une étude pour le lot CO5a qui ne met en place que le premier tiers du dépôt, nous avons dimensionné le dépôt dans son entièreté afin d’assurer que la base du remblai que nous mettons en place est compatible avec le volume que doit ajouter le lot CO11. Ainsi, le dialogue ne concernait plus seulement les intervenants du lot CO5a, mais aussi le lot CO11 puisque nos choix de réalisation
les contraignent sur la suite.

 

CHOIX PARAMÈTRES ET SUIVI


Le choix des paramètres à prendre en compte dans les Matex mis en dépôt conditionne le calcul de stabilité. Après de nombreux questionnements, nous avons proposé une campagne d’essais en laboratoire afin de qualifier précisément des paramètres géomécaniques réels des Matex pour optimiser notre calcul de stabilité. Étant donné la granulométrie importante des matériaux
(concassés à 0/250 mm), un essai de cisaillement à la grosse boîte 1 m x 1 m permettant de tester de façon représentative une granulométrie 0/100 mm a été effectué au sein de notre laboratoire
(Saint-Vulbas-Ain) dans le cadre de nos études d’exécution G3.
Les marins sont produits par différents types d’extraction et sont variables géologiquement ce qui conduit à des granulométries très variées. Ceci peut remettre en question les paramètres
géomécaniques fixés dans nos calculs de stabilité.
Tout d’abord, nous avons étudié la problématique par une analyse paramétrique permettant de conclure qu’une diminution de 15 % de l’angle de frottement se traduit par une diminution limitée
à 10 % du coefficient de sécurité sur la stabilité générale. De la même façon, une augmentation de 10 % du poids volumique se traduit par une diminution limitée à moins de 1 % du coefficient de sécurité sur la stabilité générale.
Dans les deux cas, il n’y a pas d’effet de « seuil ». Ainsi un suivi des variations des paramètres géomécaniques est nécessaire, mais ne remettra pas en question la conception du dépôt.
Ensuite nous avons réfléchi à un moyen de contrôler les variations possibles des coefficients géomécaniques au fur et à mesure de la mise en dépôt. La réalisation d’un essai grosse boîte engendre à la fois un coût et un délai peu compatible avec l’avancement des terrassements.
Ainsi, en parallèle de chaque essai de cisaillement à la grosse boîte, nous avons réalisé des essais de cisaillement classiques (fraction 0/5 mm, boîte de Casagrande) afin d’établir une corrélation
entre ces deux essais (valable seulement pour ce type de matériaux). Cela permet un suivi plus réactif des Matex. Dès qu’une diminution de l’angle de frottement est notée, un essai de cisaillement grosse boîte peut être réalisé pour quantifier l’écart de caractéristiques sur la granulométrie réelle, valider
si cela a un impact sur la stabilité et tracer la lithologie dans le dépôt. De la même façon, un essai de cisaillement à la grosse boîte est réalisé à chaque changement de faciès lithologique.

 

CALCULS ET NAPPES DE RENFORCEMENT


Une fois les paramètres géomécaniques des Matex mesurés et validés par l’ensemble des intervenants, nous avons réalisé 3 coupes de calculs de stabilité.
Ils ont été effectués par phase c’est-àdire par risberme en vérifiant à chaque fois la stabilité générale (à l’échelle du versant), locale (à l’échelle du remblai) et locale au droit du dernier talus monté. Si la phase n’est pas stable sans renforcements, un massif de géogrilles est ajouté.
Le choix de la longueur des nappes dépend de la géométrie des cercles de ruptures et leurs espacements et leur résistance unitaires. Au total, la coupe la plus défavorable, faisant plus de
50 m de hauteur par rapport au terrain naturel, nécessite 3 massifs (24 nappes)
de résistance à la rupture 225 kN/m et de 20 m de longueur et 5 massifs (51 nappes) de résistance à la rupture 675 kN/m et de 20 m de longueur.


CONVOYEUR ET SUIVI TASSOMÉTRIQUE


La structure et les forces exercées sur le convoyeur se rapprochent d’un ouvrage de type pylône de télécabine. Au-delà des tassements absolus et différentiels acceptés au droit de chacune des gares,
la difficulté réside en le respect d’un tassement différentiel maximum entre les deux ouvrages. Les fondations sont de type superficiel via un massif d’environ 24 × 12 m. À la suite des calculs des tassements propres aux fondations, les tassements dus aux terrassements effectués à proximité des massifs de fondations ont été pris en compte dans l’évaluation des tassements totaux.
La zone des Moulins était concernée par des remblais d’aménagements :
5 m de remblais pour mettre en place la plateforme et un merlon paysager à proximité (distance de 5 m, hauteur de 2,8 m). Afin de limiter les tassements après coulage du massif, le phasage a
consisté à monter l’ensemble des remblais, monitorer par suivi tassométrique, puis couler le massif une fois une stabilisation des tassements observés.
Du côté de la zone des Tierces, le convoyeur est dans la zone d’influence du remblai. Les tassements absolus et différentiels estimés sont cependant acceptables.
En revanche, cette gare est située en haut d’un versant, nous avons dû démontrer que l’ajout de cet ouvrage n’a pas d’impact sur la stabilité du versant.


CONCLUSION : RÉALITÉ DU TERRAIN ET SUIVI DE CHANTIER


À la fin août, 28 % de l’avancement a été atteint pour le lot CO5a. Le site des Moulins, la plateforme du site de Tierces et le convoyeur sont opérationnels depuis fin 2022. Les matériaux ont été stockés provisoirement sur l’emprise du futur dépôt définitif, dans l’attente du démarrage du remblai définitif. La
gestion des deux flux (convoyeur et dépôt provisoire) amène des contraintes d’exécution.
Actuellement, le sous-traitant du groupement (Guintoli), retenu pour réaliser les travaux de terrassement et le renforcement par nappe du remblai des Tierces, finalise ses plans d’exécution en concertation avec notre bureau d’études géotechniques Confluence dans le cadre de notre mission G3 – phase suivi de chantier. Notre assistance géotechnique se poursuit tout au long de la réalisation du dépôt définitif du lot CO5a pour à la fois aider à l’application pratique des différentes préconisations
évoquées dans notre étude G3, mais aussi accompagner le groupement lorsqu’une anomalie ou un cas particulier sont identifiés.
Cette mission a mobilisé l’ensemble des compétences du bureau géotechnique (siège à Saint-Vulbas et agence de Chambéry) composé de sondeurs, techniciens et ingénieurs : sondages, essais
en laboratoire et notamment un essai atypique avec un bâti de grande dimension pour un cisaillement sur la fraction 0-100 mm des remblais, essais et auscultation sur site, calculs et dimensionnements.

 

Agathe Duval
Ingénieure chargée d’études Confluence
Pierre-Yves Vecchio
Gérant Confluence


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