Suite à l’apparition de désordres consécutifs à une déficience de portance des sols d’assise, l’église Saint-Étienne de Bar-sur-Seine a fait l’objet de travaux de reprise en sous-oeuvre, comprenant entre autres la réalisation de colonnes de jet-grouting, méthodologie de contrôle non destructif en place des colonnes. Des travaux dont se sont chargés Botte Fondations et le groupe Esiris pour la phase G3 de géotechnique.
L’église Saint-Étienne située à Bar-sur-Seine (Aube) est une église au style principalement gothique, construite au XVIe siècle. Elle est classée en totalité au titre des monuments historiques depuis 1907. L’église comporte dans son ensemble des fissures réparties dans toutes les parties du monument (intérieures et extérieures), à savoir le choeur, le transept, la nef et le sanctuaire en trois plans. Elle présente aussi des tassements
différentiels sur la façade sud.
Les déformations étant toujours en cours, une reprise en sous-oeuvre est décidée pour tenter de les stopper. Au regard de la sensibilité de l’édifice, les travaux ont été réalisés après plot d’essai en vraie grandeur et sous surveillance topographique. Le plot d’essai a permis de fixer les paramètres de jet
permettant de développer les colonnes compatibles avec la reprise des charges de l’édifice. Les colonnes du plot d’essai ont été auscultées par la méthode d’impédance mécanique qui permet de qualifier le diamètre des colonnes sans terrassement, donc en toute sécurité vis-à-vis de l’ouvrage.
CONTEXTE GÉOTECHNIQUE
Pour ce projet, deux sondages pressiométriques ont été utilisés provenant d’une ancienne campagne d’investigation. Les sondages sont situés de part et d’autre de l’église. De même, un sondage piézométrique provisoire a été réalisé afin de déterminer la classe d’agressivité chimique de l’eau. La nappe phréatique a été relevée à - 4,30 m au droit du sondage SP1 et à - 3,80 m pour le sondage SP2.
ÉLÉMENTS DE CHOIX ET DIMENSIONNEMENT DU RENFORCEMENT DE SOL
Une étude menée en 1992 et complétée en 2015 démontre la nécessité d’une reprise en sous-oeuvre, soit par la consolidation du sol sous les fondations (méthode du jet-grouting), soit par un report
de charges via des micropieux. La seconde solution nécessite la création de longrines sous les fondations actuelles situées pour la plupart à 4 m de profondeur, et entraîne l’étaiement des fondations, le rabattage de la nappe phréatique et des risques accrus de déstabilisation de l’édifice. C’est pourquoi la solution de reprise en sous-oeuvre par la méthode du jet-
grouting a été retenue.
EXÉCUTION DES TRAVAUX DE JET-GROUTING
Le moment critique pour la stabilité de l’ouvrage se situe entre la réalisation des colonnes et le séchage :
les colonnes fraîches ne pouvant pas reprendre de charge, il existe une période assez courte pendant laquelle la semelle traitée par jet-grouting voit sa portance chuter. Les charges sont alors reportées sur les semelles voisines. Afin de garantir une stabilité de l’édifice, le phasage des travaux a été adapté pour ne pas solliciter en même temps des semelles voisines :
colonnes réalisées depuis l’intérieur, les plus chargées, et colonnes réalisées depuis l’extérieur.
SURVEILLANCE DE L’ÉDIFICE
La surveillance de l’édifice a été réalisée par une station automatisée mesurant les déplacements de l’église via des cibles fixées à l’intérieur (40 cibles), mais aussi via 2 cibles situées sur 2 maisons
environnantes à l’édifice. Ces deux dernières mesures permettaient de connaître le déplacement
du monument par rapport aux autres constructions. La tolérance est de +/- 20 mm avec une
première alerte à +/- 8 mm. Les mesures prises permettent de suivre les déplacements 24 h/24 et 7 j/7. Une période d’auscultation de 2 semaines avant le début
des travaux a été nécessaire pourn connaître le comportement naturel
de l’église. Une fois les travaux commencés, le cycle de visée était le suivant : 1 visée par heure
entre 8 h et 18 h, et 2 visées entre 18 h et 8 h.
Les colonnes de jet-grouting ont fait l’objet d’un dimensionnement qui a permis de définir le diamètre des colonnes nécessaire pour reprendre les charges de l’édifice et les transférer au substratum. Il s’avère nécessaire de réaliser des colonnes de 0,65 m, depuis la sousface des semelles jusqu’au substratum marneux, situé à 7 m de profondeur.
La technique du jet simple a été retenue en raison du diamètre des colonnes et de la sensibilité de l’ouvrage. Une énergie de 10 MJ/ ml a été testée lors de colonnes d’essai, et au vu des résultatsconcluants, les paramètres ont été utilisés ensuite en chantier.
ESSAIS RÉALISÉS
Des essais sont réalisés à l’exécution ; ainsi la densité du coulis et du spoil est mesurée à chaque journée de production. La densité du coulis était d’environ 1,50 et celle du spoil d’environ 1,80. Des
écrasements sur le coulis et le spoil sont aussi effectués une fois par semaine. 6 éprouvettes pour le
coulis et de même pour le spoil. Et dans le cadre de la vérification de l’intégrité et la forme de la colonne de jet, une série d’essais d’impédance mécanique a été aussi
réalisée après un délai de cure de 10 jours, avant et après terrassement de la partie supérieure de la
colonne.
PHASES D’ESSAIS
Après dégarnissage de la tête de colonne, le béton de sol a été préparé afin de procéder
à 8 essais sur la colonne non dégagée en tête.
Chaque essai a fait l’objet de 3 frappes cumulées
sur l’ensemble de la surface saine de l’élément, et en inversant la frappe au centre et géophone à la périphérie. Cette première série d’essais permet d’identifier les différents régimes vibratoires de tête, intermédiaires et en fond de la colonne.
Le diamètre identifié varie de 800 à 900 mm sur une hauteur d’environ 80 cm. Cette seconde série d’essais permet le calage des conditions en tête pour les simulations, la caractérisation plus précise des régimes intermédiaires et en fond, et de l’admittance en partie inférieure
de colonne. Les résultats se présentent sous forme de courbes d’impédance en fonction de la
fréquence, et d’échos en fonction du temps pour chaque essai.
Sur l’ensemble des essais réalisés avant et après dégagement de
la tête de colonne, les premiers constats sont les suivants : l’intégrité et la continuité de la colonne
sont confirmées ; la raideur dynamique en basse fréquence varie de 0,31 à 0,57 MN/mm ; pour une
longueur de colonne de 6,70 m, la vitesse de propagation moyenne des ondes de compression dans le matériau se cale en moyenne à 2 500 m/s au regard des écarts de fréquence entre les harmoniques
de la mobilité ; et au-delà de 800 à 1 000 Hz, l’augmentation de la mobilité résulte d’une sur-section de
la colonne et d’une faible étreinte latérale du sol sur le premier mètre.
La vitesse de propagation des ondes de compression étant influencée par la nature et la résistance du « béton de sol », son calcul est réalisé par analyse directe des courbes d’impédance connaissant la longueur de la colonne par les diagraphies d’exécution.
Ce calage aboutit à une célérité moyenne de 2 500 m/s, sachant qu’elle n’est pas uniforme sur l’ensemble du linéaire de colonne, comme le souligne l’analyse indirecte par simulations au paragraphe suivant.
ANALYSE INDIRECTE DES ESSAIS SUR COLONNE TEST
L’analyse est conduite conformément aux Recommandations pratiques pour le contrôle du diamètre
des colonnes de jet-grouting, thème 3, éditées dans le cadre du projet national Criterre « Reconnaissance et identification des anomalies des terrains – Contrôledes améliorations des sols » (1998-2002).Le logiciel de simulation développé
dans le cadre de ce programmeest un programme aux éléments finis qui simule la réponse fréquentielle d’un élément en le définissant, ainsi que le sol environnant,
jusqu’à 10 segments selon la profondeur. Pour chaque segment, les informations suivantes sont nécessaires : longueur, diamètre, vitesse de propagation des ondes de compression, densité du matériau de l’élément, vitesse de cisaillement de l’onde dans le sol entourant le segment, densité du
sol entourant le segment, le sol en fond de l’élément.
Le principe consistant à résoudre un problème inverse en calant au mieux la courbe d’impédance simulée à la courbe d’impédance mesurée affinement des différents paramètres suscités. Seule la densité des spoils constitue un paramètre exploitable comme l’une
des entrées du modèle de simulation.
Ce qui caractérise le poids de l’élément sollicité en vibration
impulsionnelle verticale est le « béton de sol » qui constitue la colonne de jet.
Le modèle géologique est celui communiqué au contexte géotechnique, ajusté par rapport aux enregistrements de la colonne à la phase foration, et ramené au
niveau de la tête de colonne, à savoir : remblais (R) de 0 à 0,60 m, limons et argiles (LA) de 0,60 à 3,60 m, et marnes au-delà de 3,60 m.
Pour les premières données d’entrée du modèle de simulation dynamique, il est indispensable de tenir compte des paramètres géotechniques, notamment pour
la définition des fourchettes des ondes de cisaillement des sols. Ces vitesses sont ensuite ajustées dans ces fourchettes pour une convergence optimale signal mesuré/ signal simulé. Des essais corrélatifs
Ey statsol/Ey dynsol permettent de retenir pour les sols concernés :
Ey dynsol = (4 à 10) * Ey statsol.
Il faut néanmoins garder à l’esprit que comparer des vitesses de cisaillement obtenues par vibration
de l’élément et celles obtenues par sismique réfraction peut être source d’erreur, d’où la fourchette
de vitesses calculées. Quoi qu’il en soit, ces valeurs seuils seront utilisées en entrée initiale
de l’analyse indirecte par simulation
des courbes d’impédance. Les analyses ont été conduites sur
3 essais montrant les signaux les plus propres. Les résultats des convergences optimales sur les essais permettent de retenir : un diamètre en tête évoluant de
800 à 900 mm ; un diamètre en partie courante évoluant de 650 à 675 mm ; un diamètre dans le SB évoluant de 710 à 720 mm.
La convergence est bonne en fond de colonne. L’effet du bulbe en tête ne permet pas un calage optimum de la mobilité au-delà de 1 000 à 1 200 Hz. Le diamètre de 650 mm déterminé par rétroanalyse constitue un minimum. Les paramètres du jet simple adopté pour la présente colonne permettent de garantir un diamètre minimal de 650 mm selon les différents terrains traversés.
L’édifice présentait des désordres importants qui ne devaient pas être aggravés par les travaux.
Pour cela, toutes les dispositions permettant de réduire l’impact
sur l’édifice ont été prises. L’entreprise Botte Fondations a fait appel à l’expertise d’Esiris afin de définir
une méthode d’auscultation non destructive des colonnes. Moyennant une analyse fine indirecte des
signaux mesurés selon un protocole d’essai spécifique, l’application de la méthode d’impédance
mécanique à ce type d’élément d’infrastructure permet de confirmer le profil de la colonne, et ainsi
garantir son diamètre minimum.
Cette méthodologie est adaptée aux contraintes opérationnelles de ce type de chantier.
Grâce à ces auscultations, les travaux n’ont pas provoqué de désordres supplémentaires à l’édifice,
et les mouvements enregistrés ont été limités au millimètre.
Ce type d’auscultation est également particulièrement adapté à la détection de vides ou défaut de raideur sur des surfaces en béton enterrées visitables, ou non enterrées (coque préfabriquée avec vide annulaire, dallages, voussoirs de tunnels, collecteurs visitables
selon recommandations AFTES – Groupe de travail n° 14).
Florestan Siret
Ingénieur travaux Botte
Fondations et Bruno Rosa
Directeur technique Esiris
PRINCIPALES QUANTITÉS ET MATÉRIEL NÉCESSAIRE À LA RÉALISATION DES COLONNES DE JET-GROUTING :
• 61 colonnes de jet-grouting
• 430 ml de forage
• 104 m3 de coulis injecté
• 1 foreuse Comacchio MC400 électrique
• 1 centrale de jet 20 m3/h
• 1 pompe de jet Soilmec ST 400 J
• 1 pompe HP 50
LES DIFFÉRENTS INTERVENANTS DU CHANTIER :
• Maître d’ouvrage : mairie de Bar-sur-Seine
• Maître d’oeuvre : Pierre Bortolussi, architecte en chef des Monuments historiques
• Entreprise titulaire du lot jet-grouting
: Botte Fondations
• Géotechnicien phase G3 et suivi : Esiris Group
GÉOTECHNIQUE FORAGE FONDATIONS FORAGE D'EAU ESSAIS
M² EXPOSITION INTÉRIEURE
6000
EXPOSANTS
190
M² EXPOSITION EXTÉRIEURE
1 500
PARTICIPANTS
3000