Eole, la future extension à l’ouest du RER E entame une année charnière. En particulier dans la réalisation de ses trois ouvrages souterrains emblématiques que sont les gares de La Défense, de Porte-Maillot et du tunnel de 8 kilomètres reliant Nanterre à Haussmann - Saint-Lazare. Point d’avancement sur une liaison construite dans l’hyper-centre
parisien, avec Xavier Gruz, directeur du projet pour la SNCF, maître d’ouvrage.
Le projet Eole, prolongement de 55 km du RER E vers l’ouest, est un pilier majeur de la désaturation d’une partie de l’Île-de-France, excessivement dense en termes de circulation. Il bénéficiera aux 650 000 voyageurs qui l’emprunteront quotidiennement, mais également à de très nombreux autres voyageurs, sur plusieurs lignes majeures de RER et du réseau transilien.
En 2024, le RER E actuel sera prolongé jusqu’à Mantes-la-Jolie. Dès 2022, il sera prolongé de 8 km jusqu’à Nanterre avec 3 nouvelles gares : Porte-Maillot, La Défense et Nanterre. 6 km seront creusés en tunnelier entre Courbevoie et Haussmann - Saint-Lazare.
Avant de battre des records de vitesse (jusqu’à 120 km/h), le projet Eole engage des travaux souterrains d’infrastructure nouvelle envergure qui mobiliseront près des 2/3 des 3,8 Mrds € pour la totalité de la ligne, coût estimé suivant les conditions économiques de 2012 (8 financeurs : État, Région Ile-de-France, société du Grand Paris, conseils départementaux des Hauts-de-Seine et des
Yvelines, Ville de Paris, Ile-de-France Mobilités et SNCF Réseau).
À elles seules, les deux gares de La Défense et de Porte-Maillot sont des objets de « 500 à 600 M€ chacune, avec le second oeuvre », pour reprendre l’estimation de Xavier Gruz, directeur du projet Eole pour la SNCF, son maître d’ouvrage. Comme il se doit, l’enveloppe globale dépendra notamment du respect des plannings de livraison (voir encadré).
Alors que le tunnelier a fêté sa 1re année sous terre et que les travaux d’excavation des deux gares monumentales du projet battent leur plein, le point sur l’avancement des travaux de ce triptyque emblématique s’impose.
6 KILOMÈTRES AU TUNNELIER À PRESSION DE BOUE
Le 27 février 2019, le tunnelier démarrait pour une course de 6 km. Creusant ses premiers mètres à une vitesse de 1 à 2 m/jour jusqu’à ce que son train suiveur soit intégralement monté. Le puits Gambetta, sur la commune de Courbevoie, d’où il s’est élancé, ne pouvait en effet pas accueillir la machine dans sa longueur définitive. Il est vrai que le tunnelier baptisé Virginie (du nom de la secrétaire du directeur de projet, comme le veut la tradition), présente un gabarit hors du commun. Avec ses 11 m de diamètre, ses 2 500 t et ses 90 m de longueur, ainsi que ses 8 000 kW installés, il est le plus important des tunneliers mis en service en France – en particulier des 17 à l’oeuvre à ce jour sur les lignes du Grand Paris Express.
Le tunnelier, donc, a dû comme il est souvent de mise, démarrer sa course vers la gare Haussmann - Saint-Lazare à petite vitesse. Après avoir passé les fêtes de fin d’année dans la nappe phréatique sous la Seine – exceptionnellement à l’arrêt durant 1 semaine afin de permettre aux équipes de suivre la trêve des confiseurs – Virginie était début mars sous la ville de Neuilly-sur-Seine.
Xavier Gruz, directeur du projet prolonge : « Neuilly-sur-Seine fait partie des communes qui attachent une grande importance à la tranquillité sonore de ses habitants. Plus globalement, nous n’avons pas, à ce jour, eu à constater d’impacts en surface. Nous prenons des précautions afin de prévenir d’éventuels mouvements, faisons d’importants efforts d’information, et avons dressé un état préalable du bâti qui permet de servir de base tangible. »
Pourquoi le choix d’un tunnelier à pression de boue ? « Cette technique a été préférée au modèle à pression de terre par le groupement d’entreprises évoquant des raisons de meilleures garanties vis-à-vis des tiers. Quoi qu’il en soit, elle nous a permis d’adopter un système d’évacuation des boues de marinage, faisant l’économie de 300 camions par jour dans les rues de Courbevoie ! », relève Xavier Gruz.
« 1,5 KILOMÈTRE DE TUNNEL CREUSÉ DÉBUT MARS »
« Jusqu’ici, nous n’avons rencontré aucune difficulté majeure d’ordre géologique. Le tracé se déroule pour l’essentiel entre - 25 et - 30 m, suffisamment profondément pour éviter les matériaux altérés. Ainsi, le tunnelier qui a suivi un tracé descendant pour passer sous la Seine remonte aujourd’hui. Nous
avons réalisé près de 25 % du linéaire, soit près de 1,5 km. La phase de rodage est derrière nous. C’est le moment le plus délicat durant lequel les équipes doivent prendre leurs marques et faire l’expérience d’un outil industriel complexe. Lesdites équipes sont d’ailleurs jeunes, ce qui n’est pas anormal compte tenu du nombre de tunneliers en exploitation en Île-de-France. La cadence est bonne et la machine a récemment creusé et équipé 20 m de galerie durant 3 journées, prouvant ainsi qu’elle
était capable de performances soutenues ! », s’enthousiasme le directeur du projet de la SNCF.
L’objectif est que le tunnelier atteigne la gare de Porte-Maillot, à mi-parcours, mi-octobre 2020. Il y fera une « pause » de 1 mois environ avant de s’élancer pour 3 nouveaux kilomètres en direction de la gare d’Haussmann - Saint-Lazare, terme du creusement. Là, il sera démonté et reviendra sur ses
pas en morceaux pour être évacué par la partie à ciel ouvert de la gare de Porte-Maillot.
GARE PORTE-MAILLOT : ENTRE CIEL ET SOUTERRAIN
Au centre de la porte Maillot, les engins s’activent à l’abri d’une boîte en parois moulées pour excaver et évacuer les déblais d’une gare souterraine aux dimensions impressionnantes : 150 m de longueur, 21 m de largeur.
Malgré ses 30 m de profondeur, la future gare sera baignée par la lumière naturelle grâce à une grande verrière située en surface. De fait, la construction à la porte Maillot se décompose en deux principaux chantiers :
• une partie (d’environ 2/3 des surfaces) creusée à ciel ouvert comprenant la partie principale de la gare ;
• une partie plus restreinte réalisée en souterrain selon une méthode d’excavation traditionnelle. Elle comprend la section en tunnel destinée à la circulation des trains et les accès à la gare.
L’ensemble est réalisé dans un milieu contraint qui a conditionné la configuration de l’ouvrage, tout en verticalité.
« Nous sommes enclavés entre le parking du palais des Congrès, en souterrain sur 6 niveaux, la ligne 1 du métro parisien, le boulevard périphérique à l’ouest, et plus au sud, le RER A. De plus, sans entrer dans le détail des modifications intervenues en cours de réalisation, notamment pour le flux des voyageurs, la superficie de la gare a sensiblement augmenté. Dans la dernière version du permis de construire, datant maintenant de 1 an, elle est portée de 8 000 à 10 000 m2, soit 25 % de plus que dans le projet d’origine. A contrario, l’emprise au sol qui nous a été accordée est plus grande que celle que nous avions initialement demandée, ce qui simplifie évidemment l’organisation des travaux. Il demeure qu’avec 7 à 8 chantiers débouchant au même endroit, la coactivité et la sécurité requièrent une attention particulière en termes de coordination », relève Xavier Gruz.
TERRASSEMENTS TOUTE !
Le creusement de la gare s’est un temps heurté à la difficulté de rabattre la nappe phréatique. La présence d’argile plastique dans la couche de sables de Cuise a compliqué les opérations de pompage en « incarcérant » ou freinant la circulation de l’eau. La globalité des travaux fait aujourd’hui l’objet d’un planning à la semaine dans un calendrier contraint. En effet, la porte Maillot est un site olympique majeur et la SNCF doit libérer la place fin 2021 afin que d’autres aménagements puissent être menés.
Et, avant cela, il s’agit de préparer l’arrivée du tunnelier. Pour ce faire, la partie à ciel ouvert doit être intégralement déblayée afin de permettre l’entrée « boîte vide », et de creuser la partie souterraine au 2/3, laissant une épaisseur de sol suffisante que le tunnelier redémarre de la gare en pleine terre.
Où en est-on des terrassements ? Xavier Gruz, directeur du projet répond :
« Globalement les travaux avancent plutôt bien. Nous avons dégagé plus de 15 m dans la partie à ciel ouvert. Il nous reste donc près de 1/3 de terrassement à faire. Pour la partie enterrée des travaux de la gare, nous faisons du phasage de travaux souterrain en commençant par les culées d’extrémité. Nous avons bien progressé. Mais aux terrassements s’ajoutent toute une série de chantiers. En partie haute, nous débutons les locaux et les installations techniques : signalisation, communication, ventilation.
Nous menons en parallèle les travaux de galerie d’accès vers la ligne 1, où il faut prévoir une bascule subtile pour ne pas pénaliser l’exploitation et opérer en coordination avec la RATP. Enfin, côté palais des Congrès, nous démarrons la déconstruction du parking Maillot, après une phase de désamiantage. L’aménagement des volumes de la gare est conduit en parallèle », stipule Xavier Gruz.
GARE DE LA DÉFENSE : UN OUVRAGE HORS NORMES
La gare souterraine de La Défense du RER E représente un volume comparable à celui d’une tour de grande hauteur. Dans ses dimensions l’ouvrage est déjà remarquable. Ce qui n’est rien si l’on oublie qu’il doit être exécuté sous le parvis de La Défense, très précisément sous le CNIT, dont il n’est pas question d’interrompre l’exploitation. Pour ce faire, la solution retenue consiste à creuser à partir du niveau C du parking du CNIT. 120 des 250 pieux de fondation de ce dernier doivent s’appuyer sur une dalle en béton qui constituera à terme le plafond de la gare ; la dalle repose pour sa part sur une 60 pieux forés (de 20 m de longueur et 2 m de largeur) et bétonnés qui seront les futurs piliers de l’ouvrage.
Le gabarit des constructions est en rapport avec la descente de charges concernée – de l’ordre de 60 000 t pour le CNIT auxquelles s’ajoutent quelque 40 000 t pour la dalle elle-même.
Début mars, les « pieux-piliers » étaient tous achevés. Il ne restait que quelques plots de bétonnage à couler pour achever la dalle de 2,50-3 m d’épaisseur. La « bascule » des charges du CNIT de la charpente métallique provisoire aux appuis définitifs était réalisée à 60 %. « Ce n’est pas un sujet d’inquiétude, la procédure est bien maîtrisée et les équipes du groupement sont rodées », intervient Xavier Gruz, dont la préoccupation première concerne la logistique du chantier.
« Depuis le début du projet, nous nous sommes interrogés sur les moyens de faire entrer les matériels et évacuer les déblais. Pour l’heure, nous disposons d’une “faille” créée dans le parking du CNIT. Mais nous nous sommes engagés à rendre à son propriétaire cette faille pour septembre 2021. D’ici là, et ce sera l’enjeu de cette fin d’année, nous devons avoir ouvert les accès est et ouest du tunnel, et dégagé les volumes de la gare. Ces travaux démarrent lentement avec des machines de petit gabarit et se poursuivront avec des engins de fort tonnage. Il faudra aussi avancer à bonne cadence sur les “émergences” que sont les locaux de la future usine de ventilation, ou encore la sortie vers la Grande Arche et le puits de secours Gambetta, sur la commune de Courbevoie. Le planning est tendu aussi du fait de la multitude de travaux “annexes” à conduire sur l’ensemble de l’extension du RER E, » conclut Xavier Gruz.
Philipe Morelli
GÉOTECHNIQUE FORAGE FONDATIONS FORAGE D'EAU ESSAIS
M² EXPOSITION INTÉRIEURE
6000
EXPOSANTS
190
M² EXPOSITION EXTÉRIEURE
1 500
PARTICIPANTS
3000