Il n’y a pas que les aurores boréales qui sont produites dans la haute atmosphère ; les muons, des particules élémentaires à très courte durée de vie, y sont aussi produites. Ce phénomène largement méconnu a émergé dans notre quotidien lors de la révélation de la découverte, grâce aux muons, d’une nouvelle chambre dans la pyramide de Khéops. Une équipe française du CNRS, émanant essentiellement de l’IPNL*, a développé un « télescope à
muons », technique permettant d’ausculter des volcans, des tumuli, des pyramides.
PDS Consult a proposé d’adapter cette technique sur les tunneliers creusant des galeries souterraines. Cette technique brevetée en 2015 fonctionne depuis avril 2018 sur le lot T2C de la ligne 15 sud du Grand Paris Express.
Les réactions entre rayons cosmiques primaires et particules de la haute atmosphère produisent des particules secondaires, essentiellement des muons appelés « électrons lourds », car leur masse est environ 200 fois supérieure à celle d’un électron et 9 fois inférieure à celle d’un proton. La petite taille des muons, deux fois moindre que celle des protons, leur permet de se glisser entre les molécules qui composent la croûte terrestre.
Bien qu’inférieure à 2 μs dans le vide, sur terre la durée de vie d’un muon, du fait des effets relativistes, atteint quelques dizaines de microsecondes, durée lui permettant de pénétrer de quelques centaines de mètres dans la croûte terrestre.
On observe au sol un flux de 110 muons par m2 et par seconde ; il en reste encore 100 à 30 m de profondeur et une quarantaine à 300 m de profondeur. Lorsque les muons entrent en collision avec les protons et les neutrons, ils sont détruits. Leur nombre est donc directement lié à la quantité de matière traversée. Compter les muons et déterminer leur trajet, ce que fait un télescope à muons, c’est mesurer l’opacité du terrain à condition de connaître la longueur du trajet dans le terrain et la densité du sol.
La notion d’opacité se comprend simplement si l’on s’imagine un plongeur sous-marin regardant vers le ciel : si un banc de poissons passe au-dessus de lui, l’opacité augmentera, si au contraire, il est dans une eau trouble et qu’une masse d’eau plus translucide passe au-dessus de lui, l’opacité diminue.
Les mesures topographiques et un modèle numérique de terrain apportent également des données indispensables pour le calibrage du télescope et pour le traitement des données.
D’une manière identique les rayons X (électromagnétiques) et les rayons gamma (particules) mesurent également l’opacité par comptage de particules. Un scanner médical qui utilise les rayons X en déplaçant la source produit une image de la densité de l’objet ou du sujet étudié de la même manière qu’un télescope à muons.
Le flux des muons est orthotrope pour un observateur terrestre ; les muons verticaux sont plus nombreux et plus jeunes que les muons quasi horizontaux ; toutefois leur nombre n’est pas nul du fait de la rotondité de la terre.
TECHNIQUE ET DÉTECTION
Pour détecter un muon, il suffit de placer sur son trajet un capteur qui ponctionne une faible fraction de son énergie et la convertit en signal lumineux, d’où le nom de télescope. Les photons produits sont détectés et amplifiés au moyen d’un photomultiplicateur. Un seul capteur est suffisant pour détecter une particule, sans savoir si celle-ci est un muon, ni quelle est sa trajectoire. Un télescope à muons permettant de répondre à ces exigences est composé de la manière suivante :
Installé en milieu souterrain un tel télescope profite de l’effet du terrain sus-jacent qui filtre à la fois les particules électromagnétiques mais aussi les rayons X et les rayons gamma au bout de quelques décimètres. 3 variables déterminent la précision : l’opacité du terrain, la longueur du trajet du muon dans le terrain déjà examinée, et enfin la durée d’observation, de plusieurs jours à plusieurs semaines.
Le télescope à 3 panneaux ci-dessus est l’un des 6 installés sur la Soufrière, à Basse-Terre
(Guadeloupe), volcan hydrothermal potentiellement explosif. Outre la position des cheminées du volcan, l’installation a mis en évidence des fortes variations dans le flux des muons. Les télescopes montrent le bouillonnement de l’eau dans les cheminées suivi par des périodes de refroidissement ; les cycles se répètent plus ou moins régulièrement.
D’une seule position, il est impossible de positionner l’endroit précis du déficit ou de l’excès de masse ;
il est nécessaire d’avoir plusieurs télescopes pour suivre l’évolution dynamique d’un volcan ou simplement d’un seul télescope à déplacer en plusieurs positions pour déterminer un vide, ou une variation de densité précise.
APPLICATION DANS LES TUNNELS - POTENTIEL DE LA MÉTHODE
La méthode muonique peut être utilisée, par exemple, avant la construction d’ouvrage pour éviter une zone à risque karstique ; durant le creusement d’un tunnel en l’installant sur le tunnelier ; ou enfin en surveillance de zones décomprimées. Grâce au télescope, on peut détecter :
Pendant la phase de creusement, on utilise un télescope intégré au tunnelier, toujours dans la même position vis-à-vis du front de la galerie.
En pratique, l’installation sur tunnelier consiste à installer un télescope quasi horizontal capable
d’observer face au tunnelier, un télescope oblique plus particulièrement adapté à la recherche de vides ou de structures anthropiques situées au-dessus et en avant de la galerie, un télescope vertical permettant de contrôler que le tunnelier n’a pas produit lui-même de vides.
AUTRES APPLICATIONS EN MILIEU SOUTERRAIN ET SOUS STRUCTURES
En cas de recherche de vides ou de minerais, on peut installer le télescope dans des puits ou galeries de mines, des carrières souterraines, des caves, des centrales électriques enterrées ; ou bien sous des structures massives telles que barrages en béton ou non, certaines digues, talus, piles de ponts, etc.
MISES EN OEUVRE
Un télescope a été installé en plusieurs points du tunnel de Tournemire (Aveyron), laboratoire de l’IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) à 250 m sous le plateau du Larzac où il a très nettement mis en évidence la faille du Cernon dans les calcaires.
Près de Neuchâtel, au laboratoire suisse du Mont-Terri, tunnel un peu plus profond que celui de
Tournemire, des variations de l’ordre de la dizaine de mètres ont été détectées dans le contact entre les marnes et les calcaires.
À Lyon, avec l’aide du CETU (Centre d’étude des tunnels), dans le tunnel de la Croix-Rousse un parking qui ne figurait pas sur les cartes a été détecté 70 m plus haut.
AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS
L’avantage principal est de disposer d’une technique permettant d’ausculter le terrain dans toutes les directions, quels que soient la nature du terrain et le contexte électromagnétique. Les capteurs sont simples, robustes et largement testés dans les conditions de terrain. Un capteur adapté aux formes et à l’encombrement des tunneliers est à l’étude. Les inconvénients, le télescope ne regarde qu’au-
dessus de lui. Comme pour les rayonnements X et gamma, on compte des impacts ; ceux-ci ne sont pas très nombreux, la dimension du capteur ne peut être réduite et le temps d’acquisition peut être long. Et les limites ? C’est strictement un compteur de quantité de masses ou de densité suivant une direction donnée, pour un rayon unique, d’une multitude de directions pour le télescope tel que décrit ; il ne fournit aucune information ni sur les caractéristiques électromagnétiques ni sur les comportements mécaniques des terrains.
LE GRAND PARIS EXPRESS
Depuis le 30 mars 2018, un télescope est installé sur le lot T2C de la ligne 15 sud du Grand Paris Express, réalisé par le groupement composé des entreprises Demathieu Bard, NGE, Implenia et Pizzarotti.
Le premier tunnelier part de,l’extrémité ouest de la boucle à Champigny-sur-Marne. Le télescope est d’abord installé en point fixe et suivra le creusement du tunnel puis il sera installé dans le tunnelier, et ce jusqu’à l’ouvrage de sortie sur la commune de Villiers-sur-Marne pour un trajet total de
2 178 mètres.
Il est installé obliquement dans la fosse de démarrage du tunnelier et observe aussi l’axe du tunnel comme le télescope oblique de la figure 8.
Il observera d’abord la galerie se creuser par le tunnelier, puis au bout de 100 m, le tunnel sera arrêté, le télescope sera installé en juin 2018 sur le tunnelier et le suivra dans toute sa phase de creusement jusqu’à la fin de l’année.
Pierre De Sloovere
PDS Consult
GÉOTECHNIQUE FORAGE FONDATIONS FORAGE D'EAU ESSAIS
M² EXPOSITION INTÉRIEURE
6000
EXPOSANTS
190
M² EXPOSITION EXTÉRIEURE
1 500
PARTICIPANTS
3000