La norme EN 10210 définit très précisément ce qu’est un acier de construction.
Principalement, cette norme impose une composition chimique stricte. Le fait de connaître la composition d’un acier permet de comprendre ses caractéristiques physiques. On appréhende ainsi sa ductilité et aussi, un point très important, sa résistance à la fatigue. Les palplanches, les pieux ou autres étant mis en place par battage ou par vibration, la durabilité du projet dépend de la résistance à la fatigue de l’acier utilisé.
Les normes françaises, quant à elles, ne font que peu de cas de la qualité d’acier utilisé. En effet, elles
se basent surtout sur les caractéristiques mécaniques des aciers. Par exemple, pour des barres autoforeuses R32N, on demandera une limite élastique de 230 kN. Or si on augmente le taux de chrome ou de molybdène dans la composition des aciers, on obtient des aciers un peu plus durs – répondant à la limite élastique demandée – au détriment de l’allongement et de la ductilité de ces aciers. Ceux-ci seront plus fragiles.
On peut déjà s’en rendre compte. Afin de limiter les problèmes de casse lors de la mise en place de
ces barres par rotopercussion, de plus en plus d’entreprises décident de dimensionner leurs projets avec des barres de plus gros diamètre. Il y a moins de difficultés à mettre en oeuvre des barres R38N en lieu et place des R32N, mais le problème d’apparition de fissures de fatigue dans le corps de l’ancrage, dues à un acier trop dur, reste présent et très préjudiciable, d’autant plus si ces aciers sont soumis à des efforts de traction.
L’effet de la corrosion sur les aciers de construction est bien connu. On peut d’ailleurs établir une courbe d’épaisseur sacrifiée à la corrosion en fonction du temps. Mais, ce qui est essentiel, c’est de se prémunir contre l’augmentation de l’effet de la corrosion par contrainte (CSC) lorsqu’ils travaillent en traction dans les plages normales d’effort demandé. Or la CSC se manifeste à partir d’un certain seuil,
puis se propage via des fissures perpendiculaires à l’axe des contraintes, et peut très rapidement
amener à la ruine de l’ouvrage. Ce seuil dépend de la qualité de l’acier et du milieu concerné et est largement dépassé pour les torons câble et les barres GEWI + ; c’est pourquoi il a été établi des normes (EN 1537) ou recommandations (TA 95) pour imposer une protection P2 sur ces types d’ancrage.
A contrario, les aciers dits de construction selon la norme EN 10210 n’atteignent pas ce seuil, dès
lors qu’ils ne travaillent pas à plus de 60 % de leur limite élastique (par application des coefficients de sécurité), et n’ont donc pas besoin d’avoir de protection de type P2 (les aciers de construction dont
la limite élastique caractéristique est inférieure à 600 MPa ne sont généralement pas atteints par la
CSC). De plus, cette norme EN 10210 est prise en compte dans les normes de calculs européennes.
Prenons la norme de dimensionnement NFP 94-282 applicable aux ouvrages de soutènement. Cette
autre norme prend en compte les qualités intrinsèques des aciers de construction puisqu’elle permet de ne pas recourir à la norme EN 1537 mais à la norme NF EN 1993-5 (et NF EN 1993-5 N/A ) pour la protection des tirants réalisés avec des aciers de construction (cf. extrait §12-1-2 de la norme page suivante) :
Cela ouvre de nouvelles voies pour la réalisation de tirants définitifs.
En effet, à condition d’utiliser un acier de construction pour les barres, on peut dorénavant réaliser
des tirants selon la méthode des autoforeurs. On peut désormais réaliser des chantiers à un moindre
coût pour les donneurs d’ordre, surtout lorsqu’on se retrouve dans des terrains boulants ou peu stables. Cette utilisation des aciers de construction en tant que tirants d’ancrages définitifs se répand de plus en plus. On remarque cette tendance pour la réalisation de différents chantiers ou projets
d’importance en cours ou réalisés : port du Havre, de La Rochelle, métro de Rennes, port de Sète, élargissement de l’autoroute A9… Le succès de cette utilisation des aciers de construction pour des tirants définitifs ne doit pas faire oublier que la seule condition pour réaliser ces chantiers sans risque
de futures dégradations préjudiciables à l’ouvrage, est que l’acier utilisé réponde à la norme sur les aciers de construction NF EN 10210. En aucun cas un seul marquage « CE » sur un produit ne permet
d’assimiler ce produit à un acier de construction. Il y a actuellement des produits marqués CE qui
sont en fait des aciers pour lequel un ATE a été autorisé en tant que clous semi-permanents (c’est-à-
dire pour une durée maximale de 50 ans, et pour lesquels dans bon nombre de cas leur utilisation
oblige une protection type P2). Des dérives de plus en plus fréquentes existent ; elles engagent la responsabilité des donneurs d’ordre et maîtres d’oeuvre…
À moins que ceux-ci ne considèrent les tirants réalisés comme provisoires, et ne demandent au final une remise sur le prix des ancrages aux entreprises !
Laurent Souche,
Ingénieur Ischebeck
GÉOTECHNIQUE FORAGE FONDATIONS FORAGE D'EAU ESSAIS
M² EXPOSITION INTÉRIEURE
6000
EXPOSANTS
190
M² EXPOSITION EXTÉRIEURE
1 500
PARTICIPANTS
3000