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Normalisation/ réglementation

INNOVATION, PRÉVENTION ET ASSURABILITÉ
06/12/2024

INNOVATION, PRÉVENTION ET ASSURABILITÉ


Toute technique a, un jour, été nouvelle. L’expérimentation, volontaire ou subie, a permis de dégager les moyens
de son intégration réussie dans un projet. Des ingénieurs tels que Vicat, Freyssinet ou Menard ont permis de faire de
la France et de ses constructeurs, l’excellence mondiale que revendiquent les concepteurs et réalisateurs hexagonaux.
Pour exemple, le pont de Rion-Antirion(1) en Grèce, dit « pont des Français », fondé sur inclusions rigides, qui enjambe une faille technique.

Pour autant, de l’idée à la « technique courante », il y a un chemin, jonché
d’erreurs, d’impasses. Qui doit en assumer les conséquences ? Ces dernières ne peuvent/doivent-elles pas être maîtrisées ? Les risques nouveaux que représentent ces avancées sont nécessaires
pour permettre à notre industrie de rester le spécialiste mondial. Nous essaierons ensemble d’accompagner l’idée jusqu’à la technique courante depuis le risque vers son assurance.
Pour paraphraser le philosophe Charles Pépin : « L’audace, c’est la capacité de s’engager dans un risque que notre compétence permet de maîtriser. »

 

RESPONSABILITÉ DES CONSTRUCTEURS

 

Construire est un acte engageant. Les enjeux sont importants, tant pour la sécurité des personnes que par les sommes engagées. La responsabilité des constructeurs est régie spécifiquement
par le Code civil : « Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent
la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. »

 

Les constructeurs sont « présumés coupables ». Cette responsabilité et l’assurance
qui l’accompagne obligatoirement doivent permettre de solutionner les dommages de nature décennale « quoi qu’il en coûte ».

 

GESTION DU RISQUE IDENTIFICATION DU RISQUE : TECHNIQUE COURANTE VS NON COURANTE

 

La définition donnée à la technique courante par un assureur spécialisé en
construction, dans les conditions générales de son contrat entreprise sont :
« Outre les travaux traditionnels, c’està- dire ceux réalisés avec des matériaux et des modes de construction éprouvés de longue date, sont considérés comme étant de technique courante les ouvrages répondant aux caractéristiques suivantes : travaux de construction répondant à
une norme homologuée (NF DTU ou NF EN), à des règles professionnelles acceptées par la C2P (1) ou à des recommandations professionnelles du programme RAGE 2012 non mises en observation  par la C2P (2) ; travaux de construction conformes au CCTG et ses fascicules ou à un référentiel
spécifique à la technique utilisée publié par un organisme reconnu par la profession, dans le cadre de marchés de travaux publics ; procédés ou produits faisant l’objet au jour de la passation du marché :
- d’un Agrément technique européen (ATE) en cours de validité ou d’une
Évaluation technique européenne (ETE) bénéficiant d’un Document technique d’application (DTA), ou d’un Avis technique (ATec), valides et non mis en observation par la C2P (3) ;
- d’une Appréciation technique d’expérimentation (ATEx) avec avis favorable ;
- d’un Pass’innovation “ vert ” en cours de validité. »
Par opposition, sont considérées comme techniques non courantes, dites TNC, tout ce qui n’entre pas dedans.


TNC ET ASSURANCE


Certains contrats d’assurance de responsabilité et dommages ouvrages (Assurance DO dont bénéficie le propriétaire de l’ouvrage) excluent de base tout recours à une TNC.
Voici par exemple la clause que propose un assureur spécialisé en construction dans son contrat entreprise :
« 6.2 - POUR CE QUI CONCERNE LES OUVRAGES QUE VOUS EXÉCUTEZ OU QUE VOUS SOUS-TRAITEZ
À la date de signature de votre marché ou à défaut, à celle du commencement des travaux, les travaux ou ouvrages, qu’ils soient soumis ou non soumis à l’obligation d’assurance : doivent être de technique courante ».

 

ORGANISER LE TRANSFERT DU RISQUE


On comprendra dès lors l’importance de bien identifier que toutes les techniques employées pour la réalisation d’un ouvrage entrent bien dans le cadre !
À défaut, il est nécessaire d’en informer les assureurs concernés et ils peuvent être nombreux :
RC du maître d’ouvrage et des constructeurs (maîtrise d’oeuvre, entreprises, contrôleur technique) ;
TRC ;

RCD des constructeurs ;

DO.
La seule information pourra s’avérer insuffisante dans la mesure où l’assureur, s’il ne refuse pas simplement d’apporter sa /ses garantie (s), pourra l’assortir d’exigences particulières. On comprendra
la nécessité d’une approche anticipée pour ne pas avoir à faire face à des surcoûts tardifs.


MAÎTRISER LES RISQUES : OUVRAGES SOUMIS OU NON SOUMIS


L’article 1792-5 du Code civil stipule : « Toute clause d'un contrat qui a pour objet, soit d'exclure ou de limiter la responsabilité [décennale], est réputée non écrite. »
Il convient toutefois de distinguer deux familles d’ouvrages : les ouvrages soumis à l’obligation d’assurance : il s’agit des ouvrages de bâtiment ; les ouvrages non soumis à l’obligation d’assurance : il s’agit des ouvrages de génie civil(2).
Aucune tolérance contractuelle n’est possible dans le cadre des ouvrages soumis.
Il en va différemment des ouvrages non soumis où le transfert du risque peut être organisé différemment dès lors que les enjeux sont parfaitement définis. Ceci doit être organisé dès la
contractualisation.
La méthode observationnelle telle que définie à l’article 2.7 de l’Eurocode 7 partie 1 : « Quand il est difficile de prévoir le comportement géotechnique d'un ouvrage, il peut être approprié
d'appliquer l'approche connue sous le nom de “méthode observationnelle”, dans laquelle la conception est revue pendant la construction. » La nuance portera sur l’extension au-delà de la période de construction et des modalités contractuelles d’adaptation durant la phase d’exploitation de l’ouvrage.

 

ASSOCIER L’INGÉNIERIE GÉOTECHNIQUE DU CHANTIER


L’acte de construire est complexe : c’est un prototype à chaque fois, ne serait-ce que du fait de l’environnement et du sol en particulier. Il est donc essentiel de permettre un contrôle efficace, une redondance dans l’analyse critique des choix constructifs.
C’est tout l’intérêt du cahier des charges : fixer des limites et les moyens de vérifier qu’elles sont bien respectées. L'ingénierie du projet et du chantier doit être associée au choix d'une technique innovante ou d'une modélisation nouvelle. Ce choix peut notamment induire des économies ou un gain de
temps pour le maître d'ouvrage, un meilleur rendement pour l’entreprise ; la contrepartie est un aléa supérieur, très largement supporté par les constructeurs. Après réception, le maître d'ouvrage
bénéficie de la responsabilité de plein droit des constructeurs pour les dommages à l'ouvrage, et l'assurance décennale.
Avant réception, le maître d'ouvrage est très largement protégé par ses prestataires, ingénierie et entreprises, et leurs assureurs En conséquence, la maîtrise du risque spécifique du projet et de son
exécution doit être renforcée, lorsque la technique retenue ne bénéficie pas d'une large expérience des constructeurs.
L'ouvrage et le site doivent être surveillés.
Si la technique géotechnique est modifiée lors de la consultation, les études géotechnique & structure doivent être reprises à un niveau APD ; le projet architectural devra être éventuellement validé.

 

LE MODÈLE GÉOTECHNIQUE DE TERRAIN EST FONCTION DU CHOIX CONSTRUCTIF
Il n’est malheureusement pas pertinent de faire une thèse sur la géologie et le modèle géotechnique propre à chaque projet. Ces choix sont donc nécessaires pour cibler les paramètres pertinents en fonction du projet et des choix constructifs. Le recours à une technologie encadrée par un cahier des
charges implique une concertation avec l’entreprise pressentie pour adapter le modèle géotechnique aux particularités de la variante envisagée. Exemple : la reconnaissance de sol, notamment les essais pressiométriques, peut être réalisée différemment, si le choix initial de pieux est remplacé par des colonnes ballastées ; un sol tourbeux aura ainsi un impact beaucoup plus fort en présence de colonnes ballastées.


CONCLUSION
Pour accompagner l'évolution de la technique de l'entreprise, et maîtriser l'aléa spécifique, la prestation de l'ingénierie doit être renforcée, tant par une exigence de compétence, que par des missions d'étude et de maîtrise de chantier renforcée. La réalisation d'une planche d'essai sur le site sera favorisée.
Concernant la géotechnique, une mission G2 PRO sera réalisée, prenant en compte l'évolution technique retenue.
Géotechnicien et ingénieur structure travailleront en équipe. Pendant le chantier, une mission G4 et une mission G3 externe renforceront la maîtrise du risque géotechnique. En cas de
grandes dimensions (profondeur, portées, charges), les conceptions, générale,
structure et géotechnique, devront prendre en compte d'éventuels facteurs incidents (pente, discontinuité géologique, aléa géologique).
La capacité adaptative de la structure devra être renforcée.
Une instrumentation pourra utilement être installée au plus tôt, afin d'anticiper éventuellement la survenance de désordres, et toujours enrichir le retour d'expérience.
Maîtriser les risques pour permettre un transfert à des assureurs impose une
implication de tous les acteurs.
Les cahiers des charges, conformes au guide du Cerema, sont un outil de plus pour aider au développement de nouvelles techniques dans un contexte à enjeux.

 

Bertrand Mousselon
Ingénieur ESTP chez CREA

 

 

1. Conception géotechnique : Terrasol - Études
de modélisation des piles et des Haubans : LCPC - Entreprise : groupe Vinci
2. Article L243-1-1 Modifié par loi n°2008-735 du 28 juillet 2008 - art. 49
I. Ne sont pas soumis aux obligations d'assurance édictées par les articles L. 241-1, L. 241-2, et L.
242-1 les ouvrages maritimes, lacustres, fluviaux, les ouvrages d'infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires, héliportuaires, ferroviaires, les ouvrages de traitement de résidus urbains, de déchets industriels et d'effluents, ainsi que les éléments d'équipement de l'un ou l'autre de ces ouvrages.
Les voiries, les ouvrages piétonniers, les parcs de stationnement, les réseaux divers, les canalisations, les lignes ou câbles et leurs supports, les ouvrages de transport, de production, de stockage et de distribution d'énergie, les ouvrages de stockage et de traitement de solides en vrac, de fluides et liquides, les ouvrages de télécommunications, les ouvrages sportifs non couverts, ainsi que leurs éléments d'équipement, sont également exclus des obligations d'assurance mentionnées au premier alinéa, sauf si l'ouvrage ou l'élément d'équipement est accessoire à un ouvrage soumis à ces obligations d'assurance.
II. Ces obligations d'assurance ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l'ouverture du
chantier, à l'exception de ceux qui, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles.


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EXPOSANTS

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1 500

 

 

PARTICIPANTS

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