Après quasiment un siècle d’absence d’événement d’inondation s’accompagnant de défaillances majeures d’ouvrages de protection, les inondations qui ont affecté le sud-est de la France au début des années 1990 et 2000 – en Camargue (1993-1994), dans l’Aude (1999), sur le Gard et le Rhône (2002-2003) –, ont remis à l’ordre du jour la question de la sécurité des digues et ouvrages associés. L’occasion de faire un point dans ce dossier spécial Digues et ouvrages de protection.
Les autorités puis le législateur se sont alors emparés du sujet. La réglementation en vigueur actuellement s’est ainsi progressivement structurée au cours des 20 dernières années en s’appuyant
d’abord sur les dispositifs mis en place pour les barrages à la suite de l’accident de Malpasset (2 décembre 1959), et en prenant progressivement en compte les spécificités propres à ces aménagements de protection contre les inondations.
Ainsi, et après une première phase de recensement et de contrôle des « digues intéressant la sécurité publique» par les services de l’État, le décret n° 2007-1735 du 11 décembre 2007 relatif à la
sécurité des ouvrages hydrauliques a posé les premières bases d’une réglementation applicable à ces derniers.
Cependant les conséquences de la tempête Xynthia (26 février au 1er mars 2010) sur le littoral métropolitain ont mis en évidence certaines diffi cultés d’application et la persistance d’ouvrages
«orphelins», et le besoin d’unifi er la gestion et de clarifi er les responsabilités liées aux ouvrages de protection contre les inondations est apparu indispensable.
Aussi, dans un contexte de décentralisation, la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) de 2014, a instauré une compétence exclusive et obligatoire
relative à la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi). Elle a attribué celle-ci aux EPCI à fi scalité propre (FP), tout en les autorisant à instituer une taxe dédiée et à opérer, dans les conditions fixées par la loi, à des transferts ou délégation de compétences vers des syndicats mixtes (notamment Epage et EPTB).
Ces dispositions organisationnelles ont été amendées et précisées par les lois NOTRe du 7 août 2015 et Fesneau-Ferrand du 30 décembre 2017 (rôle des Départements, constitution des syndicats mixtes, dates butoirs…).
Dans le même temps, le corpus réglementaire et technique s’est consolidé autour du décret n° 2015-526 du 12 mai 2015 «relatif aux règles applicables aux ouvrages construits ou aménagés en vue de prévenir les inondations et aux règles de sûreté des ouvrages hydrauliques » (dit décret «digues »), amendé ponctuellement par les décrets n°2019-895 et 896 du 28 août 2019. Ce décret a introduit deux catégories d’ouvrages, construits ou aménagés en vue de prévenir les inondations et/ou les submersions :
En formalisant et articulant dans la réglementation les notions de système d’endiguement, de zone protégée et de niveau de protection associés, ce décret a introduit une révolution conceptuelle
en passant d’une logique de sécurisation du fonctionnement d’ouvrages pris individuellement, à une logique de performance d’un système d’ouvrages cohérents du point de vue de la protection contre les inondations. Il a également redéfini les classes des différentes catégories d’ouvrages et les obligations
associées.
Le niveau de protection est à apprécier au regard de l’analyse structurelle et fonctionnelle des ouvrages qui composent le système d’endiguement et des caractéristiques du territoire protégé.
C’est tout l’objet de l’étude de dangers dont le contenu a été défi ni par l’arrêté du 7 avril 2017 et
modifié par l’arrêté du 30 septembre 2019. Ce document, qui est au centre de la connaissance du système d’endiguement et de son environnement, doit en effet présenter et justifier le fonctionnement et les performances attendues du système d’endiguement en toutes circonstances, à partir d’une démarche d’analyse de risque s’appuyant sur la collecte, l’organisation, l’étude et la confrontation de
toutes les informations et données pertinentes pour cet objectif.
À l’issue de ces études et dans le cadre de l’autorisation des ouvrages au titre du Code de l’environnement (IOTA), le gestionnaire s’engage, à concurrence d’un certain niveau d’aléa, sur la performance et la sécurité de son système d’endiguement, par la définition d’un niveau de protection d’une zone protégée connue et délimitée.
RÔLE DES COLLECTIVITÉS ET DES EPCI DANS LA GESTION DES OUVRAGES HYDRAULIQUES DE PROTECTION CONTRE LES INONDATIONS
Les ouvrages de protection contre les inondations ne peuvent être établis et gérés que par des collectivités (EPCI, syndicats mixtes ou départements dans le cadre de convention de transfert ou délégation). En tant que gestionnaires d’ouvrage, un certain nombre de tâches spécifi ques leur incombent, notamment :
Les collectivités exerçant la compétence Gemapi et assurant un rôle de gestionnaire de système d’endiguement ont ainsi un rôle majeur dans la mise en oeuvre et le développement de la sécurité de ces ouvrages hydrauliques et, plus largement, dans la prévention des inondations. Elles ont à s’appuyer et s’articuler en amont sur des stratégies territoriales de gestion des risques inondations partagées, et à développer en aval leurs liens avec les dispositifs de gestion de crise pour faire face aux événements que subiront inévitablement leurs ouvrages.
L’association nationale des gestionnaires de digues France-Digues, une association de type loi 1901 vise dans ce cadre à structurer, consolider et représenter la profession de gestionnaire de digues, à être un lieu d'échanges techniques et de formation.
Le Cerema et l’Inrae en tant que membres associés de l’association mettent à disposition leur connaissance pour contribuer aux réflexions techniques et aux Journées techniques qu’elles organisent.
LE RÔLE ET LES ACTIONS DU CEREMA POUR LA SÉCURITÉ DES OUVRAGES HYDRAULIQUES
En tant qu’établissement public d’expertise de référence, le Cerema intervient au profit des différents acteurs de la sécurité des ouvrages hydrauliques au travers de différentes actions et contributions
(Projets de recherche régionaux, nationaux ou européens comme Dofeas, Erinoh, Didro, Digue2020, Polder2C’s…), menées en propre ou en partenariats avec les acteurs du domaine.
Ainsi, en lien avec les services du ministère et l’Inrae, le Cerema s’implique dans l’élaboration et la production d’état de l’art et de documents techniques de référence. Il a ainsi porté le financement
de la contribution française au projet de rédaction de l’International Levee Handbook (Ciria 781,2013), dont il a copiloté avec l’Inrae les contributions nationales, et participé directement à l’écriture. Il a ensuite assuré le pilotage de la traduction en français de l’ouvrage, avec l’appui des contributeurs français, et son édition sous la forme du Guide international sur les digues (Cerema, 2019). Il a produit ou participé à la production de divers documents d’accompagnement à la mise en oeuvre de la réglementation (référentiel technique digues maritimes et fluviales, guide des principes de réalisation
des études de dangers (EDD) et proposition pour accompagner la rédaction de cahier des charges des études, guides enjeux écologiques et projets de protection contre les inondations…).
Ses agents contribuent par ailleurs aux réflexions et travaux du Comité français des barrages et réservoirs dans le cadre de groupes de travail sur les digues (cf. Guides de recommandations
CFBR sur la justification de la stabilité des barrages et digues en terre, 2015 et Recueil de méthodes et de techniques de confortement et réparation des digues de protection en remblai, 2021).
Le Cerema réalise également directement des études opérationnelles, des diagnostics, des expertises de digue ainsi que des missions de contrôle extérieur de travaux de confortement des digues. En partenariat avec les services de l’État, gestionnaire des digues de Loire jusqu’en 2024, il contribue ou
accompagne les réflexions des autorités compétentes dans le cadre d’assistance ou de conseils pour la réalisation d’études de dangers de systèmes d’endiguement (EDD) ou le développement, le test et le suivi de techniques innovantes, comme le confortement des digues par écrans de sols mixés (cf. Photo 1).
Dans le cadre de programme de recherche propre ou conjoint avec l’Inrae, l’université Gustave-Eiffel et d’autres partenaires, le Cerema contribue au développement d’outils et d’innovation permettant la caractérisation du comportement des ouvrages hydrauliques et des environnements fluviaux. Il dispose pour cela de plateformes expérimentales (au centre d’expérimentation et de recherche à Grand-Quevilly) qui permettent de tester des techniques de construction ou de reconnaissance des
digues à l’échelle 1 (cf. Photo 2). Le Cerema oeuvre également à une meilleure connaissance et définition des sollicitations maritimes sur les ouvrages à la côte, notamment ceux situés en faible profondeur d’eau. Sur ces ouvrages, où la complexité des processus nécessite de croiser les apports de la modélisation physique et numérique, le Cerema collabore avec l’ESITC de Caen à des expérimentations au moyen d’un canal à houle de moyenne dimension, lequel permet de reproduire et tester en conditions contrôlées, différentes configurations de sollicitations hydrauliques appliquées à des géométries de fonds et d’ouvrages.
Enfin, en lien avec les organismes de formation (CVRH, Ponts Formation Conseil…), il coanime des sessions de formation à destination des professionnels des services de l’État ou des bureaux d’études, sur les thématiques des digues et des ouvrages littoraux.
Édouard Durand
Directeur adjoint de l'agence Cerema de Blois
Expert géotechnique et risques naturels
Yann Deniaud
Responsable du secteur d'activité risques naturels au Cerema
Secteur en charge des ouvrages hydrauliques
GÉOTECHNIQUE FORAGE FONDATIONS FORAGE D'EAU ESSAIS
M² EXPOSITION INTÉRIEURE
6000
EXPOSANTS
190
M² EXPOSITION EXTÉRIEURE
1 500
PARTICIPANTS
3000